"Quand la pandémie sera terminée, nous nous réveillerons peut-être avec des régimes autoritaires." C'est la thèse avancée par l'éditorialiste polonais Michal Kok. Dans la Gazeta Wyborcza, le journaliste s'interroge sur le risque de dérives autoritaires dans les démocraties occidentales. En Hongrie, où les ventes d'armes explosent, Viktor Orban a proclamé l'état d'urgence et détient désormais un pouvoir presque sans limite.
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L'Albanie a instauré le couvre-feu. En République tchèque, le gouvernement prévient que la fermeture de ses frontières pourrait durer des mois. En France, l'état d'urgence sanitaire restreint les libertés de déplacement ou de réunion.
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Un vent d'autoritarisme souffle sur le continent européen avec la crainte que les mesures promulguées aujourd'hui pour lutter contre la pandémie ne perdurent au-delà de la crise. Restrictions des déplacements, contrôle accrus des populations, pouvoirs spéciaux pour les gouvernements. Eric Mamer, porte-parole de la Commission européenne, insiste sur le fait que "toutes les mesures d'urgence doivent être limitées au nécessaire et strictement proportionnées".
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Des mesures temporaires et proportionnées. En France, des avocats invoquent le précédent de 2015. Après la vague d'attentats, certaines mesures de l'état d'urgence ont été rendues permanentes.
En Belgique, où la Première ministre s'est également vu attribuer des pouvoirs élargis, la présidente de la Ligue des droits humains, Olivia Venet, insiste sur la nécessité d'être vigilant. "L'important c'est le cadre général de la démocratie et de l'Etat de droit. Mais on a pu observer parfois des gouvernements profiter d'une crise pour s'arroger des pouvoirs démesurés."
Le Conseil fédéral gouverne par voie d'ordonnance
Depuis plus de trois semaines déjà, le Conseil fédéral dirige la Suisse en faisant appel au droit d'urgence et d'impératifs de sécurité intérieure. Une situation exceptionnelle. En vertu des articles 184 et 185 de la Constitution fédérale, le gouvernement peut prendre des mesures fortes et prendre les pleins pouvoirs. Avec des conséquences très concrètes sur les droits fondamentaux, comme le relève l'enquête de nos confrères de l'Aargauer Zeitung. Comme la liberté de réunion, la liberté de mouvement et la liberté économique.
Dès lors se pose la question de la proportionnalité des mesures d'exception. Pour le constitutionnaliste Jacques Dubey, professeur à l'Université de Fribourg, elle est respectée: "Je n'ai pas l'impression que le Conseil fédéral ait abusé du droit d'urgence."
Un avis partagé par Andrea Caroni, conseiller aux Etats (PLR/AR). Lequel observe avec inquiétude l'expression d'une forme d'antiparlementarisme et estime que les pouvoirs exceptionnels du Conseil fédéral doivent être mieux encadrés par la justice et le Parlement.
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"J'ai été choqué de voir que le Parlement est resté débranché. Encore plus choqué que des gens nous écrivent pour dire qu'on doit rester à la maison. C'est de l'antiparlementarisme, alors qu'on est là pour défendre la démocratie." Pour l'instant les sièges des représentants du peuple sont encore vides, mais dès le mois de mai, ils se réuniront pour mieux encadrer l'utilisation du droit d'urgence.
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Olivier Kohler/Pierre Nebel/Tristan Dessert/ebz