Alors que l'Europe cherche à sortir du confinement, la France enregistre son pire bilan quotidien
Plusieurs Etats de l'Union européenne ont fait part de leur intention de lever ou d'assouplir les dispositifs en vigueur, afin, notamment, d'amorcer une reprise de l'activité économique. Or, beaucoup de spécialistes soulignent les dangers de procédures de déconfinement trop rapides.
"L'ère de la mondialisation signifie que le risque de réintroduction et de résurgence de Covid-19 va continuer", a ainsi averti le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé Tedros Adhanom Ghebreyesus.
La Commission européenne a elle demandé sux Etats membres de l'Union de se concerter en amont au sujet de l'allègement des mesures de confinement qu'ils ont adoptées face à la crise sanitaire.
La pandémie a fait près de 124'000 morts dans le monde, soit environ 6200 de plus que la veille, selon un bilan établi par l'afp à partir de sources officielles mardi à 21h. Près de deux millions de cas d'infection ont été officiellement diagnostiqués dans 193 pays, un nombre qui ne reflète toutefois qu'une fraction du nombre réel de contaminations. Parmi ces cas, au moins 411'500 sont aujourd'hui considérés comme guéris.
Les pays qui ont enregistré le plus de nouveaux décès en 24 heures sont les Etats-Unis avec 1802 nouveaux morts, le Royaume-Uni (778) et la France (762).
FRANCE - Le pire bilan quotidien de décès
Alors que la France, un des pays les plus durement frappés par l'épidémie, a prolongé lundi son confinement mais également esquissé la levée des restrictions et une réouverture des écoles, le pays a enregistré mardi 762 décès supplémentaires, soit son plus lourd bilan quotidien depuis le début de l'épidémie.
Le précédent bilan le plus lourd enregistré sur une période de 24 heures remontait au 6 avril, avec 605 décès enregistrés.
Par ailleurs, 6730 patients se trouvaient en réanimation, soit une petite centaine de moins que lundi. Cet indicateur, qui dénote la pression sur le système hospitalier qui ne comptait avant la crise que quelque 5000 lits de réanimation, est très suivi par les spécialistes.
"L'épidémie commence à marquer le pas", avait pourtant assuré Emmanuel Macron dans une allocution télévisée lundi soir, annonçant que le 11 mai sonnerait le début du déconfinement partiel de la France, avec une réouverture partielle des écoles notamment.
Au total, l'épidémie de coronavirus en France a fait au moins 15'729 morts depuis début mars, dont près de 5500 dans des maisons de retraites médicalisées.
AUTRICHE - Réouverture progressive
L'Autriche a autorise la reprise de l'activité des grands magasins dès ce mardi, avant une réouverture programmée des centres commerciaux à partir du 1er mai. Les clients doivent cependant impérativement porter un masque.
L'accès aux jardins publics est aussi à nouveau permis dans ce pays qui compte moins de 400 morts du Covid-19 pour un population de 9 millions d'habitants, comparable à celle de la seule ville de New York.
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Pour le professeur Jacques Fellay, chercheur en génétique et médecin infectiologue au CHUV, l’Autriche a attendu le pic de l'épidémie avant de rouvrir partiellement ses commerces, et a eu raison. Cependant, seules les semaines à venir diront si c’était trop tôt après ce pic.
Interrogé mardi dans Forum, il rappelle que ce qui est essentiel dans la stratégie mise en place en Autriche, c'est d'être patient, d'avancer pas-à-pas et de rester prudent. Avec ce virus, on ne peut pas constater directement les effets engendrés par la fin de certaines mesures. Il y a un délai de latence d'une semaine au minimum, voire deux ou trois semaines.
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ITALIE - Allègement marginal
En Italie, où le confinement et l'arrêt quasi total de l'activité économique imposé depuis plus d'un mois a été prolongé jusqu'au 3 mai, quelques commerces, comme les librairies ou les laveries, sont autorisés à rouvrir mardi dans certaines régions. Mais cet allègement, annoncé le 10 avril par le chef du gouvernement Giuseppe Conte, reste marginal. Certaines régions, comme la Lombardie ou Naples, restent toutefois totalement confinées.
L'Italie a passé lundi le cap des 20'000 morts, soit 20'465 au total, selon le dernier bilan officiel, qui fait toutefois état d'une baisse des patients en soins intensifs pour le dixième jour consécutif. Un total de 566 nouveaux décès ont été enregistrés en 24 heures. Le nombre de cas s'élève à 159.516, soit 3153 de plus par rapport à dimanche.
ROYAUME-UNI - Un confinement sans doute prolongé
Comme Paris, et après Rome ou Madrid, Londres envisage de prolonger le confinement. Les "mesures actuellement en vigueur" ne devraient pas être levées immédiatement, le pays n'ayant "toujours pas passé le pic" de l'épidémie, a annoncé le ministre britannique des Affaires étrangères Dominic Raab, qui dirige provisoirement le gouvernement en l'absence de Boris Johnson.
Ce dernier, contaminé par le Covid-19, était en convalescence dans la résidence de campagne des Premiers ministres, dans le nord-ouest du pays.
Le Royaume-Uni a déploré mardi 778 décès supplémentaires, une augmentation plus forte que celle enregistrée la veille (717 morts), qui porte à 12'107 le nombre total de victimes dans le pays.Le nombre de personnes testées positives au Covid-19 a atteint 93'873 au Royaume-Uni, en augmentation de 5252 par rapport à la veille.
Le pays pourrait par ailleurs subir une chute historique de 13% de son produit intérieur brut en 2020, dans le cas d'un confinement du pays de trois mois, selon un scénario publié par un institut public.
ESPAGNE - Une reprise limitée
En Espagne, malgré la poursuite du confinement, le gouvernement a autorisé les travailleurs, sous conditions strictes, à reprendre le chemin des usines et des chantiers, après deux semaines d'"hibernation" de toutes les activités économiques non essentielles.
Pour tenter de relancer une économie fragile tout en évitant un rebond des contagions, des policiers et des volontaires ont distribué, dans les métros et les gares, dix millions de masques.
La pandémie a fait plus de 18'000 morts en Espagne qui a recensé mardi 567 décès en 24 heures, un léger rebond par rapport à la veille, selon les chiffres du ministère de la Santé.
SUEDE - Le cap des 1000 morts franchi
Le coronavirus a causé la mort de plus de 1000 personnes en Suède depuis le début de l'épidémie, selon un bilan officiel communiqué mardi par les autorités sanitaires.
Le bilan est désormais de 1033 morts et de 11'445 cas de personnes infectées officiellement recensées dans ce pays de 10,3 millions d'habitants, qui a adopté des mesures plus souples que la plupart des pays européens pour tenter de contenir la progression du virus.
Dans le royaume scandinave, le confinement de la population n'est pas d'actualité comme dans d'autres pays européens pour endiguer l'épidémie. Le gouvernement appelle chacun à "prendre ses responsabilités" et à suivre les recommandations des autorités sanitaires. Mais cette stratégie est vivement critiquée par certains.
ETATS-UNIS - La position de Donald Trump décriée
Le coronavirus a franchi mardi la barre des 24'000 morts aux Etats-Unis, selon un décompte encore partiel réalisé par l'agence Reuters. A lui seul, l'Etat de New York a enregistré 778 nouveaux décès lors des dernières 24 heures, ce qui porte le bilan à 10'834 victimes. "Le pire est passé si nous continuons à être intelligents" et à suivre les mesures de confinement, estime le gouverneur de l'Etat Andrew Cuomo.
Avec les premiers signaux encourageants liés à la stabilisation du rythme des contaminations, le débat a vite basculé sur les moyens de relancer l'économie, tout en gardant un oeil sur un éventuel redémarrage de l'épidémie.
"Nous sommes très près d'achever un plan pour ouvrir notre pays", a déclaré lundi Donald Trump. Son conseiller scientifique Anthony Fauci a estimé que l'économie pourrait redémarrer graduellement en mai.
Mais, la volonté du président de prendre toutes les décisions depuis la Maison Blanche, après avoir pendant des semaines souligné la responsabilité des gouverneurs dans les carences face à la pandémie, suscite de vives tensions. "C'est le président des Etats-Unis qui décide!" a-t-il notamment clamé.
La réponse d'Andrew Cuomo a été vive: "La position du président est tout simplement absurde. Ce n'est pas ce que dit la loi", a-t-il lancé mardi matin sur CNN, "nous n'avons pas un roi, nous avons un président".
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INDE - Prolongation jusqu'au 3 mai
Le Premier ministre indien Narendra Modi a annoncé mardi la prolongation au moins jusqu'au 3 mai du confinement de son pays de 1,3 milliard d'habitants, la plus grande population au monde soumise à ce genre de mesure dans la lutte contre la pandémie de coronavirus.
Un confinement sévère est en place au niveau national depuis le 25 mars dans la deuxième nation la plus peuplée de la planète. Il avait été initialement déclaré pour trois semaines. Mais face à l'accélération de la croissance de cas locaux de covid-19, de nombreux États avaient appelé ces derniers jours le gouvernement central à prolonger le dispositif.
jop/boi avec agences
Pas de directives scientifiques sur le déconfinement
Pour le Pr. Jacques Fellay, chercheur en génétique et médecin infectiologue au CHUV, les scientifiques ne sont, aujourd'hui, pas encore en mesure de donner des directives sur les manières de sortir du confinement. Les décisions qui seront prises seront donc exclusivement politiques.
"Il faut bien garder en tête que si on opère un déconfinement prématuré, le risque de retour rapide de mesures strictes est grand", dit-il. Actuellement, "il n’y a pas de bonne décision, il faut choisir les moins mauvais scénarios pour revenir à une certaine normalité dans un délai acceptable", dit-il, "c’est un rêve d’arriver rapidement à retrouver la situation antérieure".
Par ailleurs, partout où des mesures de déconfinement se profilent, il faut "toujours être prêt à faire un pas en retrait". Et toutes les levées de restrictions devront s'accompagner de mesures en parallèle. "Ça peut passer par des masques, un politique de tests massifs ou encore de traçabilité, mais il faut de toute manière trouver des moyens de maintenir l’épidémie à des niveaux contrôlables" précise-t-il.