Chiffres en cascade, digressions, attaques et séquence de questions-réponses cacophonique: les point de presse quotidiens de Donald Trump sur la pandémie de SARS-CoV-2 suscitent chaque jour un peu plus la perplexité. Depuis plusieurs semaines, ces rendez-vous se sont transformés en plateformes de campagne du républicain.
Le président américain a d'ailleurs franchi un palier supplémentaire dans son briefing de lundi: après avoir incendié les journalistes qui critiquent sa gestion de la crise, il a réfuté toute accusation et est allé jusqu'à diffuser dans la salle un clip produit par les services-mêmes de la Maison Blanche faisant l'éloge de son travail.
"Pétage de plombs"
Du jamais vu de mémoire de journalistes couvrant la Maison Blanche. CNN a comparé cela à de la "propagande" et Jim Acosta, le correspondant en chef de la Maison Blanche pour la chaîne, a dit que c'était "le plus grand 'pétage de plombs' (meltdown, en anglais) qu'il n'avait jamais vu d'un président des Etats-Unis de sa carrière".
Il a ajouté: "Je ne pense pas qu'une personne raisonnable puisse regarder ce que nous venons de voir pendant la dernière heure et en conclure que le président maîtrisait la situation. Il donnait l'impression d'être hors de contrôle. Il a fanfaronné et divagué (ranting and raving, en anglais) pendant la majeure partie de la dernière heure de cette conférence de presse. Il prétendait avoir des pouvoirs qu'il n'a pas: la Constitution ne donne pas les pleins pouvoirs au président des Etats-Unis".
A peine quinze minutes après le début du press briefing de ce lundi de Pâques, tout a déraillé: Donald Trump a fait baisser les lumières puis a diffusé un clip de plus de trois minutes à sa gloire, jetant des coups d'œil entendus aux reporters durant la projection, soulignant de gestes ce qui se disait sur l'écran.
Une retransmission en direct interrompue
Un montage réalisé par le Guardian montre que la chaîne de télévision MSNBC a même stoppé net la retransmission en direct disant qu'ils allaient couper "ce qui n'était pas un briefing de la task force du coronavirus".
Le présentateur a expliqué aux téléspectateurs que la diffusion reprendrait "lorsque cela reviendra à ce que cela était supposé être: des informations médicales de la task force (...) Ce que nous venons de voir est un clip de la Maison Blanche qui suggère qu'ils passent leur précieux temps à faire des vidéos qui défendent le président pour dans dix ans, plutôt que de donner des informations médicales urgentes dont nous avons besoin et qui sont nécessaires".
Le journal d'information britannique a souligné que le reste de la conférence de presse montrait "un Trump agité, s'en prenant rageusement aux reporters parce qu'ils questionnaient son action et insistant sur le fait que 'tout ce que nous avons fait était juste' alors que les médias étaient 'coupables'."
Susan Page, correspondante pour le quotidien USA Today, n'en revient pas sur Twitter: "J'ai couvert six présidents, mais je n'ai jamais couvert un briefing tel que celui de ce soir".
Même constat pour Peter Baker, correspondant en chef à la Maison Blanche pour le New York Times, totalement subjugué par l'attitude d'un président qui nie en bloc les critiques et qui s'est même mis à réécrire l'histoire du Covid-19: "A plusieurs reprises, Donald Trump a minimisé le sérieux du coronavirus, puis il a dit qu'il représentait la situation la plus grave que la nation ait jamais connue. Il a défendu la Chine pour sa façon de traiter l'épidémie originelle, puis attaqué la Chine pour sa façon de traiter l'épidémie originelle".
Une réélection menacée
Juste avant sa vidéo, Donald Trump a déclaré qu'après son visionnement, "nous reviendrons à la raison pour la quelle nous sommes ici: notre succès". Une phrase prononcée alors que le pays enregistre plus de 23'000 décès – dont plus de 10'000 à New York.
La tension monte à nouveau entre le président et les journalistes qui se permettent de douter: car c'est un fait, Donald Trump a tardé à saisir le danger du SARS-CoV-2, qu'il a de nouveau appelé "le virus de Wuhan" lundi.
La chaîne ABC News avait présenté une enquête affirmant que les renseignements américains avaient alerté Washington dès fin novembre sur la menace que constituait la propagation d'un nouveau virus ayant émergé dans la ville chinoise de Wuhan.
Ce lundi de Pâques, l'image marquante restera celle d'un président américain qui perd pied, impuissant face à une crise sanitaire qui menace désormais sa réélection.
Sujet radio: Raphaël Grand
Adaptation et article web: Stéphanie Jaquet