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Pékin profite du Covid-19 pour reprendre la main à Hong Kong

Les manifestations de masse rendues impossibles à Hong Kong en raison du Covid-19. [REUTERS - Joyce Zhou8]
Pékin profite de la crise du Covid-19 pour reprendre la main à Hong Kong / La Matinale / 2 min. / le 20 avril 2020
Le monde étant focalisé sur la propagation du coronavirus, la Chine s’active en coulisses pour s'attaquer à l'opposition à Hong Kong. La répression du mouvement pro-démocratie repart de plus belle depuis le début des manifestations anti-gouvernementales déclenchées en juin 2019.

Mis en cause pour leur rôle dans les manifestations de masse qui ont secoué le territoire l’an dernier, quinze représentants du mouvement pro-démocratie ont été arrêtés samedi avant d'être libérés sous caution dans l’attente de leur jugement le mois prochain. Des personnalités parmi lesquelles l'on trouve Martin Lee, 81 ans, fondateur du Parti démocratique de Hong Kong et surnommé "le père de la démocratie hongkongaise".

Ces arrestations surviennent alors que Pékin tente de faire passer en force toute une série de lois sur la sécurité nationale, dénoncées comme liberticide par l’opposition. Le nouveau paquet législatif vise entre autres à criminaliser les propos soutenant l’indépendance de Hong Kong ou menaçant l’autorité du Parti communiste.

Pression accrue de Pékin sur fond de Covid-19

La Chine profite de l’opportunité du coronavirus, selon Claudia Mo, élue pan-démocrate au parlement. Selon elle, "Pékin sait pertinemment qu’on ne peut actuellement pas descendre dans la rue pour faire du bruit. Pas de risque de manifestation d'un million de personnes", a-t-elle confié à la RTS.

L’objectif du gouvernement central est clair: reprendre le dessus alors que l’ancienne colonie britannique se prépare à renouveler son parlement cet automne. Cette échéance électorale est celle de tous les dangers pour Pékin. Lors des dernières élections locales, un processus de nomination de chefs de quartiers sans réels pouvoirs politiques, le camp pro-démocratique avait raflé 90% des sièges à pourvoir. Une gifle inquiétante pour la Chine dans le sillage des manifestations des mois précédents. Elle redoute désormais que les partis pro-Pékin, actuellement majoritaires au parlement, puissent perdre de leur influence lors du scrutin de cet automne.

Risque d'aviver les tensions

Cette nouvelle offensive de la Chine pourrait embraser à nouveau le territoire dans les mois à venir. "L’action de la police, vraisemblablement décidée par Pékin, vise à renforcer la main du camp pro-gouvernemental et contribue à museler l’opposition. Or toutes ces tentatives de réduction de l’autonomie de Hong Kong peuvent remettre le feu aux poudres et remobiliser la société contre le gouvernement local et contre Pékin", estime Jean-Pierre Cabestan, sinologue et professeur à l’Université baptiste de Hong Kong.

Interrogé par la RTS, il souligne aussi la portée internationale de l’offensive chinoise: "Pékin teste les Etats-Unis et aussi dans une moindre mesure les Britanniques. Il s’agit d’une épreuve de force entre la Chine et l’Occident, la Chine et le monde démocratique. C’est un vrai problème qui risque de faire planer une ombre assez inquiétante sur nos relations avec la Chine à l’avenir".

Réactions internationales

Le chef de la diplomatie américaine a fustigé les récentes pressions de la Chine à Hong Kong. "Pékin et ses représentants à Hong Kong continuent de violer les engagements pris lors de la signature de l’accord conjoint entre la Chine et le Royaume-Uni qui garantit la transparence, l'Etat de droit et le haut degré d’autonomie de Hong Kong jusqu’en 2047", a déclaré Mike Pompeo sur Fox News.

Possibles représailles américaines

Les regards se tournent à présent vers les Etats-Unis. Donald Trump avait signé fin novembre une loi adoptée à l’unanimité du Congrès américain. Le texte prévoit la révocation des privilèges de Hong Kong en cas d’érosion des libertés et de l’autonomie de l’ancienne colonie britannique. Le département d’Etat américain est désormais chargé de réévaluer chaque année le degré de libertés et d’autonomie de Hong Kong pour décider de reconduire ou non les avantages commerciaux, financiers et technologiques dont bénéficient le territoire et qui lui garantissent un statut différent de celui de la Chine.

L’adoption de la loi avait été qualifiée d’ingérence grossière par Pékin, qui avait alors exprimé sa colère envers Washington. La mesure n’a a priori pas intimidé la Chine. A voir si les Etats-Unis mettront effectivement leurs menaces à exécution.

Michael Peuker/ddup

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