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Le Covid-19 tue toujours plus au Brésil malgré les dénégations du président

Au Brésil, le président Jair Bolsonaro continue à ne pas respecter les mesures de distanciation et de confinement
Au Brésil, le président Jair Bolsonaro continue à ne pas respecter les mesures de distanciation et de confinement / 12h45 / 1 min. / le 21 avril 2020
Le président brésilien Jair Bolsonaro persiste à décrier les mesures prises par les gouverneurs d'Etats, malgré des statistiques de plus en plus préoccupantes sur l'évolution de l'épidémie. Le pays a connu lundi sa plus forte progression journalière avec 15% de décès supplémentaires.

Selon les derniers chiffres du ministère de la Santé, le Brésil comptabilisait lundi plus de 40'500 infections confirmées et 2845 décès. Les Etats les plus touchés sont celui de Sao Paulo (1307 décès) et de Rio (422). Suivent les Etats du Pernambouc (234), du Ceara (198) et d'Amazonas (185). Le taux de décès en rapport aux infections est de 7%.

Le pays a surtout enregistré lundi sa pire progression en 24 heures depuis le début de l'épidémie, avec 383 décès supplémentaires, soit une augmentation de plus de 15% en une seule journée.

Le pic de la pandémie ne devrait pas être atteint avant le courant du mois de mai ou le mois de juin selon le ministère de la Santé.

Aveuglement présidentiel

Malgré ces chiffres, le chef de l'Etat a de nouveau affirmé lundi qu'il espérait que les mesures de confinement prises par les gouverneurs des Etats pour endiguer le coronavirus seraient levées dès cette semaine.

"J'espère que ce sera la dernière semaine de quarantaine", a déclaré le chef de l'Etat à la sortie de sa résidence officielle du Palais de l'Alvorada, à Brasilia. "Les masses ne peuvent pas rester à la maison parce que leur frigo est vide", a-t-il ajouté, jugeant "excessives" les mesures prises par les maires et gouverneurs de presque tous les Etats du Brésil.

Le chef de l'Etat minimise depuis le début la létalité du virus, qu'il qualifie de "grippette" et promeut les rassemblements. "Il ne faut pas se débiner face à ce virus, il faut l'affronter la tête haute, Dieu est avec nous", avait crié le chef de l'Etat samedi à l'attention de croyants qui manifestaient contre l'avortement devant le palais présidentiel.

Jair Bolsonaro parmi ses supporters à Brasilia, dimanche 19.04.2020. [Reuters - Ueslei Marcelino]
Jair Bolsonaro parmi ses supporters à Brasilia, dimanche 19.04.2020. [Reuters - Ueslei Marcelino]

Et dimanche, Jair Bolsonaro a apporté à nouveau son soutien à des manifestants qui réclamaient la fin du confinement à Brasilia. Il a surtout appelé, comme eux, à une "intervention militaire" pour "fermer le Parlement et la Cour suprême", ce qui a suscité des réactions outragées de nombreux politiciens.

"Il est lamentable de constater que le président adhère à des manifestations anti-démocratiques. Il est temps de faire bloc autour de la Constitution contre toute menace visant la démocratie", a notamment écrit sur Twitter l'ex-président Fernando Henrique Cardoso (1995-2002).

Situation mieux contrôlée dans certains Etats

Pourtant, dans des Etats comme Rio de Janeiro ou Sao Paulo - les plus touchés par le virus - la quarantaine n'est pas aussi stricte que dans la plupart des pays européens. Seuls les commerces considérés comme essentiels peuvent rester ouverts, mais aucune mesure coercitive ne contraint la population à rester chez elle, même si elle en est régulièrement encouragée.

Au Brésil, ces décisions sont du ressort des collectivités territoriales et la Cour suprême a décidé que le gouvernement fédéral ne pouvait pas s'y ingérer.

Mais il est intéressant de constater que certains Etats ayant pris rapidement des mesures - comme celui de Bahia - voient le nombre de cas et de décès augmenter bien plus faiblement que dans l'ensemble du pays.

Comparaison de la progression des décès à Bahia et dans l'ensemble du Brésil

Un pays en état de catastrophe sanitaire

Le principal problème sanitaire du Brésil réside en un système de santé en piteux état pour la très grande majorité des personnes qui n'ont pas accès aux soins privés. Lits, matériel de protection et respirateurs manquent partout dans les hôpitaux, malgré les gros efforts entrepris dans certains Etats.

Urgences d'un hôpital public de Belém (Para), 18.04.2020. [AGIF/AFP - Thiago Gomes]
Urgences d'un hôpital public de Belém (Para), 18.04.2020. [AGIF/AFP - Thiago Gomes]

Un célèbre cardiologue brésilien, Drauzio Varella, a souligné lundi dans une interview que la principale particularité brésilienne, face à la pandémie, était "l'immense inégalité sociale" qui impose des conditions de vie très différentes entre riches et pauvres. Il craint que le pays ne se dirige vers le pire des scénarios, "parce que la plus grande part de la population n'a pas accès aux pratiques qui permettent de prévenir la contagion comme se laver les mains, acheter du désinfectant et pratiquer l'isolement social".

L'ex-ministre de la Santé, le très populaire Luiz Henrique Mandetta, a tout tenté pour convaincre le chef de l'Etat de renforcer les mesures de prévention et d'action en prônant le confinement et en suivant à la lettre les recommandations de l'OMS. Mais, après des jours de guerre larvée entre les deux hommes, il a finalement été limogé la semaine dernière.

Deux tiers des Brésiliens pour le confinement

Une majorité de 68% des Brésiliens approuvent le confinement malgré son impact sur l'économie, selon un sondage de l'institut Datafolha publié samedi, un peu moins que début avril (76%).

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oang

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