C'est une campagne électorale comme aucune autre aux Etats-Unis, sans poignées de main ni meetings. De sa cave, transformée en studio de télévision, Joe Biden peine à se faire entendre, alors que le président sortant Donald Trump, qu'il rêve de détrôner, passe chaque jour sous le feu des projecteurs.
L'un dans l'ombre, l'autre dans la lumière, mais ce n'est peut-être pas une mauvaise nouvelle pour les démocrates, indique le politologue américano-suisse Daniel Warner à la RTS. "Au tennis, on peut gagner ou laisser l'autre perdre. Aujourd'hui, Joe Biden a intérêt à laisser Donald Trump dire des âneries et se décrédibiliser", analyse-t-il.
Une façon indirecte d'attirer dans les urnes le vote des "swing voters", cet électorat volatile et plus jeune, souvent indécis, susceptible de se détourner du président actuel. Car à 77 ans, Joe Biden - qui en est à sa troisième candidature à la Maison Blanche - peine à déchaîner les passions.
Une femme à ses côtés
Centriste né en Pennsylvanie, vice-président de Barack Obama de 2009 à 2017, il convainc peu l'électorat jeune, acquis à Bernie Sanders. Quant à aux Noirs américains et aux Latinos, l'enjeu principal sera de les mobiliser pour qu'ils aillent voter. "Tout le monde attend désormais de savoir qui Joe Biden choisira pour la vice-présidence", explique Daniel Warner. "Ce sera déterminant".
De l'autre côté de l'Atlantique, les spéculations vont bon train. Le démocrate s'est engagé à choisir une femme, et les candidates se bousculent au portillon. Parmi elles, son ex-rivale à la primaire, Elizabeth Warren. Idéalement, il faudrait une personne de couleur, avancent cependant certains stratèges. De quoi alimenter les rumeurs les plus folles autour d'un ticket Biden-Michelle Obama. Sauf que celle-ci répète n'être candidate à rien.
La personne choisie devra être assez solide pour être présidente
Hypothèse plus probable, le nom de la sénatrice californienne Kamala Harris revient souvent, ainsi que celui de Stacey Abrams, candidate déçue au poste de gouverneur de Géorgie en 2018. Mais d'autres papables sont citées: l'ex-candidate à la primaire, Amy Klobuchar (Minnesota), la sénatrice Tammy Baldwin, première élue LGBT au Congrès, la gouverneure du Michigan Gretchen Whitmer ou encore Keisha Lance Bottoms, la maire d'Atlanta.
Union sacrée
"C'est un choix crucial vu l'âge de Joe Biden, mais aussi parce qu'il est essentiel de contrebalancer son profil de vieux blanc de la côte Est avec un profil plus jeune, plus métissé et venant d'une autre région géographique", estime pour sa part le politologue Daniel Warner.
Ratisser au plus large et parler d'une seule voix, tel semble donc être le mot d'ordre du camp démocrate en 2020. Après être partie très divisée, la formation se resserre autour de son candidat ces dernières semaines.
Plus de 2500 élus et personnalités se sont déjà ralliés à Joe Biden, à commencer par l'ancien président Barack Obama, toujours très populaire. La présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, ou encore -dernière en date- Hillary Clinton, qui avait perdu face à Donald Trump en 2016, ont elles aussi exprimé haut et fort leur soutien. Mais cela suffira-t-il à récupérer la Maison Blanche? Les paris sont ouverts.
Election en péril?
Aux Etats-Unis, la principale question est, pour l'instant, de savoir si l'élection aura lieu le 3 novembre comme prévu. Des conditions de sécurité sanitaire pourront-elles être garanties si le Covid-19 est toujours là? Et, le cas échéant, comment organiser le scrutin autrement, en ligne par exemple, dans des conditions de sécurité suffisantes et sans bafouer les droits démocratiques des plus démunis, qui ne pourraient probablement pas voter faute d'accès à internet?
Le candidat démocrate Joe Biden a lui-même émis des doutes le 24 avril, lors d'une collecte de fonds en ligne. "Je pense qu'il [Donald Trump, ndlr] va essayer de faire reporter les élections d'une manière ou d'une autre, trouver des raisons pour lesquelles elles ne peuvent pas avoir lieu", a-t-il avancé. Car la pandémie de coronavirus, en plus de compliquer le vote d'un point de vue pratique, rend aussi la route vers la victoire plus ardue que prévu pour Donald Trump qui, auparavant, pouvait se vanter des bons résultats économiques des Etats-Unis.
Alors que plus d'un million d'Américains sont contaminés par le virus et que plus de 60'000 personnes en sont mortes, selon les chiffres de l'Institut Johns Hopkins, la gestion de la crise sanitaire par le président est sous le feu des critiques. Quant au démantèlement de l'Obamacare, l'assurance maladie universelle promulguée en 2010, une des grandes fiertés de Donald Trump, il devient de plus en plus difficile à défendre. Voilà qui n'a pas échappé aux démocrates.
Juliette Galeazzi
Pas de réponses à une ancienne assistante l'accusant de harcèlement
Sous une pression croissante pour répondre à l'accusation d'agression sexuelle d'une ancienne assistante, le candidat démocrate à la Maison Blanche Joe Biden a mis en avant mercredi soir son bilan dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Il n'a cependant pas évoqué l'affaire.
Tara Reade, 56 ans, accuse Joe Biden de l'avoir agressée sexuellement en 1993, lorsqu'il était sénateur et qu'elle travaillait pour son équipe à Washington.
L'équipe de Donald Trump, lui-même accusé par plusieurs femmes de harcèlement et agressions ces dernières années, attaque Joe Biden et ses soutiens en employant des mots particulièrement embarrassants. Ceux de l'ancien vice-président de Barack Obama lui-même, qui a dit, et répété, qu'il "faut du courage pour dénoncer une agression sexuelle", en appelant à écouter les victimes.
Sauf que face à Tara Reade, le candidat démocrate à la Maison Blanche oppose un silence assourdissant, tandis que son équipe ne s'est fendue que d'un démenti ferme, à la mi-avril, auquel elle renvoie depuis.