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A l'heure du Covid-19, les militants réinventent l'art de manifester

Manifestation "avec distance sociale", contre la corruption du gouvernement israélien, le 15 avril 2020 à Tel Aviv. [Keystone - Abir Sultan]
L'art de manifester en période de confinement / Forum / 3 min. / le 27 avril 2020
En période de pandémie de coronavirus, les grands rassemblements sont proscrits, forçant les manifestants de tous pays à faire preuve de créativité pour arriver malgré tout à faire entendre leurs voix et faire avancer leurs causes.

L’année 2019 a été celle des manifestations de rue massives. Mais l’arrivée de la pandémie de Covid-19 a brutalement freiné ces mouvements, que ce soit au Moyen-Orient, en Asie ou en Amérique latine.

Or le sentiment de révolte n’a pas disparu, pas plus que la créativité. Depuis quelques semaines, de nouvelles formes de protestations commencent à émerger.

Manifester, quand on doit rester chez soi, est en effet problématique. Opposants, activistes et autres protestataires se replient donc sur des voies alternatives. Mardi à Moscou par exemple, les leaders des manifestations de l’été dernier ont décidé d’organiser une grande protestation "en ligne" sur Youtube, pour réclamer une aide de l’Etat pour les familles affectées par le confinement. Les "cyber manifestants" sont invités à envoyer des photos de pancartes qui seront diffusées en ligne toutes en même temps.

Selfies avec pancartes

Ces derniers jours, l’application zoom a également été détournée de sa mission première, les téléconférences, pour devenir un lieu de rassemblement virtuel.

Ces mêmes méthodes ont aussi été utilisées en Pologne, en faveur de l’avortement. Selfies avec des pancartes, avalanches de commentaires sur Facebook, e-mails envoyés aux députés, pétitions en lignes: le virtuel n'empêche pas d'être virulent pour s’opposer à un durcissement du droit à l’avortement.

En voiture, ou avec distance sociale

Même l’icône Greta Thunberg a dû renoncer aux bains de foule. "Nous devons nous adapter", a-t-elle déclaré. Les jeunes grévistes pour le climat se retrouvent toujours, mais derrière le hashtag #digitalstrike.

A Frankfort, la place Römerberg a été envahie par les chaises des restaurants obligés de fermer, en signe de protestation. [Keystone - DPA/Arne Dedert]
A Francfort, la place Römerberg a été envahie par les chaises des restaurants obligés de fermer, en signe de protestation. [Keystone - DPA/Arne Dedert]

Certains, toutefois, essaient malgré tout d’investir l’espace public, dans un exercice d'équilibrisme entre se réunir, mais sans se transmettre le virus. Les idées ne manquent pas: des manifestations "en voitures" ont été organisées aux Etats-Unis contre le confinement. En Israël, des milliers de protestataires pro-démocratie se sont réunis à Tel-Aviv, mais avec des masques, et en respectant la distance sociale.

Et en Allemagne, certains ont même réussi à manifester... sans manifestants: à Francfort, la place Römerberg a été envahie de chaises vides: celles des restaurants obligés de fermer à cause du virus.

Echarpes aux balcons

C'est aussi sans parler des balcons, qui ont décidément servi à beaucoup de choses pendant cette pandémie. Des chiffons rouges affichés silencieusement aux fenêtres en Colombie sont autant d’appel à l’aide adressés aux autorités. Et au Kosovo, les concerts de casseroles n’ont pas réussi à éviter la chute du gouvernement.

Et, puisque l'on s’approche du 1er mai, c’est dans tout cet arsenal que vont aller puiser les syndicats pour la Journée du travail vendredi. Pas de rassemblement de masse, mais des signes de solidarités postés sur le balcon, ou depuis son ordinateur.

Ces actions sont-elles efficaces? L’effet symbolique est là, mais des messages postés sur les réseaux sociaux n’ont pas la même force de frappe que les rassemblements de masse. Dans mouvement social, il y a "social": comment faire sans réunions, regroupements, contacts avec la population? Les grands rassemblements ne seront pas autorisés avant longtemps: si elle veut continuer de peser dans un rapport de force, la société civile va devoir se réinventer.

Anouk Henry/kkub

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