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La pandémie mondiale de Covid-19 accélère la crise politique au Liban

Plusieurs manifestations et affrontements au Liban en raison de la crise économique.
Plusieurs manifestations et affrontements au Liban en raison de la crise économique. / 12h45 / 1 min. / le 29 avril 2020
Début mars, le Liban avait déclaré le premier défaut de paiement de son histoire. Depuis, la situation n’a cessé de se détériorer sur le plan politique et économique. Les mesures de confinement ont aggravé la situation politique et économique. La contestation frappe l'ensemble du pays.

"Le Liban n'est plus au bord du gouffre, il y glisse carrément!" Implacable, le constat émane d'un expert reconnu du Moyen-Orient: Bassem Snaje, professeur d'économie à science-po, à Paris. "Alignée sur le dollar, la livre libanaise a perdu en quelques jours près de la moitié de sa valeur. Conséquence, les prix flambent car près de 90% des biens de consommation courante au Liban sont importés."

Après plusieurs mois de turbulences politique, le Liban est confronté au scénario tant redouté d'une hyperinflation. En un an, les prix ont augmenté de 30%. "Le système s'écroule tel un château de cartes. Le chômage et la pauvreté explosent", témoigne un intellectuel syrien joint par téléphone à Beyrouth. "J'ai perdu la moitié de mon épargne. Le système est à bout de souffle et le fragile équilibre confessionnel libanais, aggravé par le contexte du conflit syrien, risque bien voler en éclats. La colère gronde dans tout le pays", précise-t-il.

"Petite Suisse du Moyen-Orient" en panne économiquement

Le Liban, la petite Suisse du Moyen-Orient, est confronté à un contexte politique et économique préoccupant. Très strictes, les mesures de confinement ont contribué à accélérer la détérioration du climat social et politique.

Le ralentissement de l'activité économique, la chute brutale de l'activité touristique et le net recul des montants parfois colossaux envoyés au pays par la diaspora libanaise sont autant de facteurs aggravants d'une crise née au crépuscule de l'été dernier.

La légalisation du cannabis en pleine pandémie n'a pas découragé les jeunes manifestants qui exigent toujours la démission du gouvernement. La classe moyenne s'appauvrit, la précarité touche un Libanais sur deux, le taux de chômage officiel frise les 40%. Déjà considérablement affaibli par le conflit qui ravage son voisin syrien depuis huit ans, le Liban est entré en récession. Une diminution du PIB de l'ordre de 30 milliards de dollars, soit 45% du produit intérieur brut.

Seule option pour le gouvernement : contracter un emprunt de 12 milliards au Fonds monétaire international (FMI) pour tenter de maintenir le pays à flot dans un contexte aggravé par la pandémie et une contraction brutale de l'activité économique.

Tripoli à feu et à sang

À Tripoli, deuxième ville du pays et grande métropole sunnite située au nord du Liban, la rue est en ébullition depuis plusieurs semaines déjà. L'annonce du décès, mardi, d'un jeune manifestant grièvement blessé par un tir de l'armée, a fait exploser la colère. La mort du jeune Fawaz Samman, 26 ans, considéré comme un "martyr de la révolution", a provoqué une éruption de violence dans le centre historique et à travers tout le pays.

Routes bloquées, banques incendiées, affrontements violents avec l'armée. Des scènes fréquentes au pays du Cèdre depuis le déclenchement du soulèvement populaire, le 17 octobre 2019. Des troubles sociaux et politiques pour dénoncer l'augmentation du coût de la vie et la corruption des élites politiques.

"Notre lutte n'est pas sectaire, c'est une lutte de classe opposant le peuple libanais qui croule sous le poids de la pauvreté au secteur bancaire qui est à l'origine de la détérioration de la situation économique ", dénonce un manifestant dans les colonnes de L'Orient Le Jour, le grand quotidien francophone libanais. Un climat social explosif qui ravive le spectre du passé douloureux de la guerre civile qui avait ravagé le Liban de 1975 à 1990.

Hyper inflation et chute vertigineuse de la livre libanaise

"Avec la dégringolade vertigineuse de la livre libanaise face au dollar et la forte inflation des prix à la consommation, les Libanais sont de plus en plus pauvres", dénonce un activiste engagé depuis le début de cette révolution de la dignité né le 17 octobre 2019. "On est passé de 2500 livres à 4000 livres pour obtenir l'équivalent d'un dollar".

La chute du cours du pétrole a également freiné l'arrivée de devises en provenance des monarchies du Golfe. Au Liban, le plan de déconfinement a coïncidé avec l'explosion de profonds troubles sociaux et le réveil d'une révolution mise en parenthèse par la pandémie du Covid-19. Un vaste mouvement de contestation qui avait vu le jour il y a six mois.

L'annonce de taxes sur l'essence, le tabac et les échanges WhatsApp avait été l'étincelle qui avait mis le feu aux poudres. Des centaines de milliers de personnes étaient descendues dans la rue pour crier leur désespoir face à l'augmentation du coût de la vie et pour exiger le renouvellement de la classe politique, accusée d'incompétence et à la solde d'un système bancaire complètement sinistré.

Olivier Kohler/ther

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