"Comme du temps de la guerre froide, les décisions prises
s'inscrivent dans un climat de peur suscité et entretenu par des
dirigeants sans principes", écrit Irene Khan, secrétaire générale
d'Amnesty International.
Ce rapport annuel de quelque 300 pages publié mercredi évoque "une
mondialisation des violations des droits de l'Homme". Il veut
démontrer cette exploitation de la peur - une stratégie qui "sape
l'Etat de droit, augmente les inégalités, entretient le racisme et
la xénophobie et (...) sème les germes de nouvelles violences et de
futurs conflits".
USA premiers visés
Les Etats-Unis sont les premiers à être montrés du doigt (la
"guerre contre le terrorisme", le camp de Guantanamo, les bavures
de la guerre en Irak), mais une liste de plus en plus longue
d'Etats sont accusés de pratiquer une politique de la peur à des
fins politiques et pour faire adopter des législations plus
restrictives, dans certains cas expéditives.
"Des stratégies anti-terroristes mal pensées se sont révélées peu
efficaces en matière de réduction des menaces ou de justice aux
victimes", souligne le rapport. L'impératif de la sécurité
nationale est souvent aussi prétexte pour réprimer la dissidence,
note Amnesty qui cite des exemples au Proche-Orient, en Afrique du
Nord et en Russie où "la dérive autoritaire s'est révélée
désastreuse pour les journalistes et les défenseurs des droits de
l'homme".
Moscou est également dénoncé pour "les crimes haineux visant les
étrangers et les minorités (..) qui s'inscrivent dans la droite
ligne de la propagande nationaliste des autorités".
Chine omniprésente
"Partout dans le monde, de l'Iran au Zimbabwe, de nombreuses
voix qui ont voulu se faire entendre sur les droits de l'Homme ont
été contraintes de se taire en 2006, relève le rapport. La Chine
est un exemple omniprésent. Et une "répression à l'ancienne" a
refait surface en Egypte.
Amnesty International, dans "ce monde de plus en plus divisé et
dangereux" retient en particulier la situation au Darfour, "une
blessure ouverte qui ensanglante la conscience du monde".
L'organisation relève que "le Conseil de sécurité de l'ONU est
entravé par la méfiance et par le double langage de ses membres les
plus puissants" et juge que "le Soudan a pris le dessus sur les
Nations unies".
De façon générale, "le fossé entre musulmans et non-musulmans
s'est accentué (...) et, dans toutes les régions les manifestations
d'islamophobie, d'antisémitisme et d'intolérance ainsi que les
attaques contre les minorités religieuses ont augmenté", note le
rapport avec force détails.
Sombre bilan pour les femmes
Ce rapport 2007 est aussi l'occasion d'un sombre bilan sur le
sort réservé aux femmes de par le monde, "victimes d'un terrorisme
sexuel". D'où cet appel: "l'Etat a le devoir de préserver la
liberté de choix des femmes, et non de la restreindre". Amnesty
s'appuie ainsi sur un sujet des plus controversés, le voile des
musulmanes, "un symbole visible d'oppression pour les uns, un
attribut essentiel de la liberté religieuse pour les autres".
La Turquie et la France sont dans ce contexte critiquées pour en
avoir restreint l'usage par la loi. "Il est déraisonnable de
prétendre qu'un vêtement représente un obstacle majeur à l'harmonie
sociale", argumente Irène Khan.
agences/tac
Suisse fustigée
Amnesty International critique la Suisse pour sa révision du droit d'asile. L'organisation souligne que le racisme et la discrimination ont tendance à se banaliser.
Amnesty International constate de nouvelles restrictions en Suisse des droits des requérants d'asile et des migrants suite aux votations de septembre 2006. Les dispositions prévues en matière de détention ne sont pas «conformes aux engagements internationaux souscrits par la Suisse». La critique porte sur le fait que les étrangers ne disposant pas de papiers d'identité valables peuvent se voir refuser l'accès à la procédure d'asile.
Autre reproche adressé à la Suisse: les violences contre les femmes. Le parlement a récemment approuvé une disposition modifiant le Code civil qui permettra d'expulser du logement l'auteur des violences. Les femmes immigrées résidant en Suisse depuis moins de cinq ans risquent de perdre leur droit de séjour si elles cessent de cohabiter avec la personne dont le nom est inscrit sur le titre de séjour.
Le rapporteur spécial de l'ONU a constaté en Suisse en 2006 que le racisme, la xénophobie et la discrimination s'étaient banalisés dans le débat politique. Il a en outre relevé des preuves de comportements racistes au sein de structures institutionnelles, y compris dans la police, relève Amnesty.
Surveillance internet dénoncée
Amnesty International présente aussi Internet comme le nouveau front pour la lutte en faveur des droits de l'Homme. L'ONG remarque que de nombreux Etats (Arabie saoudite, Belarus, Vietnam, Chine, Egypte, Iran et Tunisie, entre autres) s'évertuent à contrôler l'utilisation de la Toile pour réduire au silence les voix d'opposition.