La cicatrice mettra longtemps à se refermer dans le Haut-Rhin, ce département français aux portes de Bâle, qui a été le plus fortement et rapidement touché par la pandémie de coronavirus. La faute à un rassemblement évangélique fin février à Mulhouse, dont les milliers de participants ont involontairement propagé le virus.
Conséquence: les hôpitaux de la ville ont vite été saturés, obligeant le transfert de nombreux patients vers d'autres hôpitaux en France et à l'étranger - notamment en Suisse - et la construction d'un hôpital militaire de campagne.
Des semaines difficiles
"Pendant deux semaines ce fut très chaud, il a fallu faire des tris. C'était des choix horribles. La majorité des soignants n'avait pas l'habitude de prendre en charge des gens sous oxygène dans des conditions pareilles", témoigne Christine Schmidlin, une infirmière très engagée dans le soutien psychiatrique du personnel hospitalier. Avec son mari, chef pâtissier en Suisse, et leur fille, elle regarde arriver le déconfinement avec des sentiments mitigés. "On l'attend tous, mais en même temps on en a peur. C'est paradoxal: on sera déconfinés, mais avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête", confie-t-elle.
Classé rouge, le département du Haut-Rhin reste aujourd'hui encore l'un des plus sévèrement touchés par l'épidémie, avec près de 700 décès enregistrés depuis le 1er mars pour une population de 762'743 habitants. Mais -signal encourageant- le nombre total d'hospitalisations est en diminution depuis plusieurs jours, atteignant 834 patients dimanche. Le retour à la normale se fera donc étape par étape, et avec prudence.
Retour au travail progressif
"Les gens ont vraiment pris conscience de la gravité du problème à Mulhouse, parce qu'on a été touchés de plein fouet. Je pense que chacun prendra ses responsabilités", estime pour sa part Alain Schmidlin. Après deux mois de pause, ce frontalier a repris le chemin du travail pour la première fois jeudi afin de préparer la réouverture du restaurant qui l'emploie. "Au début, c'est bien d’être à la maison, on en profite un peu, mais au bout de deux mois, on s'inquiète pour l'entreprise", reconnaît-il.
C'est un soulagement de retrouver son travail, mais on n'a pas envie de ramener le Covid en Suisse. Ils doivent se poser des questions de l'autre côté de la frontière
Comme en Suisse, la France va relancer une partie de ses activités économiques à partir de lundi. Le groupe automobile PSA prévoit par exemple un redémarrage "progressif et sécurisé" de plusieurs de ses usines dont celle de Mulhouse à compter du 11 mai, selon Reuters.
Stigmatisation redoutée
A la mairie, Michèle Lutz (Les Républicains) suit attentivement les dernières annonces du gouvernement et se réjouit de la marge de manoeuvre laissée aux préfets et aux communes. "Les gens en ont marre, il faut pouvoir desserrer l'étau, mais si on se rend compte que les marqueurs s'aggravent, nous aurons la possibilité de re-confiner", indique-t-elle.
Car à Mulhouse, où l'hôpital militaire a été démonté, les hôpitaux restent sous pression, malgré les signaux encourageants. Le nombre de lits occupés en réanimation demeure supérieur à la normale. "Ici, on connaît tous autour de nous quelqu'un qui a été malade ou qui est décédé", relève la maire, qui regrette "une certaine méfiance à venir ici". Et de s'inquiéter de la publicité négative que le virus a fait subir à sa ville et à toute la région.
Reportage TV: Anne Fournier
Adaptation web: Juliette Galeazzi