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Les Etats-Unis pris de vertige face à la crise économique qui menace

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Etats-Unis: où en est l'économie? / L'actu en vidéo / 2 min. / le 14 mai 2020
Comment les Etats-Unis affrontent-ils la crise économique causée par la pandémie de coronavirus? Décryptage de la situation et du débat politique américain avec Gaspard Kühn, correspondant de la RTS à Washington.

D'un plus bas historique, à 3,5% en février, le taux de chômage américain a grimpé à 14,7% en avril, son niveau le plus élevé depuis la Seconde Guerre mondiale. En moins de deux mois, ce sont plus de 20 millions d'emplois qui ont été détruits. Autrement dit, les gains en matière d'emplois accumulés en dix ans de croissance ont été effacés.

Selon des projections de la banque Goldman Sachs publiées mercredi, la courbe du chômage montera jusqu'à 25% aux Etats-Unis et si cela se vérifie, le pays se retrouvera alors dans une situation comparable à celle de 1933, au plus fort de la Grande Dépression qui suivit la crise boursière de 1929.

Le produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis a lui reculé de 4,8% au premier trimestre, la baisse la plus importante depuis le quatrième trimestre 2008, époque où les Etats-Unis s'enfonçaient dans la Grande récession. La chute devrait être sans précédent au deuxième trimestre, de 30% et 40%, selon des économistes.

Un filet social inégal

"Du côté de la population, les choses se sont pour l'instant plutôt bien passées pour les salariés dont les entreprises ont fait les démarches pour qu'ils touchent le chômage", observe Gaspard Kühn, correspondant de la RTS à Washington. C'est plutôt dans les systèmes de chômage - qui est géré Etat par Etat - que la pandémie a révélé des failles. Par endroits, il a par exemple fallu recourir à Google ou Amazon pour traiter les données entrantes et en particulier celles des indépendants qui - comme en Suisse - ont eu droit à des aides inédites.

L'ampleur et la vitesse de cette récession sont sans précédent, bien pire qu'aucune autre depuis la Seconde Guerre mondiale

Jerome Powell, président de la Banque centrale américaine

"Ceux pour qui la situation est vraiment très dure, ce sont ceux qui passent entre les mailles du filet, les travailleurs au noir et les sans-papiers, qui n'ont droit à rien", indique le journaliste qui précise que certains Etats, comme la Californie, commencent à mettre en place des aides à leur égard.

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Plans d'aide, stop ou encore?

En mars, le Congrès américain a approuvé un plan de relance titanesque de 2200 milliards de dollars (2143 milliards de francs suisses), baptisé "Care Act" et promulgué par le président Donald Trump. Il comprenait notamment la distribution de chèques aux Américains et 349 milliards pour un fonds dédié aux petites et moyennes entreprises. Un deuxième plan d'aide de près de 500 milliards de dollars l'a complété fin avril.

Mardi, les démocrates ont dévoilé un nouveau projet dit "loi pour les héros", qui prévoit un gigantesque plan d'aide au montant inédit de 3000 milliards de dollars. L'objectif, présenté par Nancy Pelosi, présidente démocrate de la Chambre des représentants, est de secourir l'économie américaine et les chômeurs contre ce qu'elle a qualifié de "plus grande catastrophe de l'histoire du pays". Le texte, s'il pourrait être approuvé dès vendredi dans cet hémicycle, n'a quasiment aucune chance au Sénat, à majorité républicaine.

Une majorité de républicains estiment en effet que les Etats-Unis doivent attendre que les mesures historiques déjà déployées fassent leur effet avant d'agir à nouveau. Le seul dossier où une exception pourrait être faite est celui des infrastructures. "On pourrait assister à des alliances contre-nature entre les démocrates et Donald Trump qui lui n'a aucun problème avec la dette et serait plutôt favorable à lancer des investissements contre l'avis de son parti", analyse Gaspard Kühn.

L'espoir d'une reprise en V

Dans l'immédiat, c'est néanmoins sur la réouverture de l'économie que mise la Maison Blanche pour éviter de débloquer des fonds supplémentaires. L'espoir du président est qu'en redémarrant maintenant, l'effet de la crise soit minime. Raison pour laquelle Donald Trump insiste pour que les Etats reviennent à une situation normale au plus vite, en dépit de la pandémie qui continue à faire des ravages aux Etats-Unis, où il y a 1,4 million de cas positifs au Covid-19 et déjà plus de 84'000 morts, selon l'Université Johns Hopkins.

Les propos de Jerome Powell, le patron de la Banque centrale américaine, pourraient cependant changer la donne du côté de Washington. Il a en effet appelé mercredi les élus américains à tout faire pour éviter les dommages d'une crise économique à long terme et permettre une reprise forte. "Le ralentissement actuel est unique en ce qu'il est attribuable au virus et aux mesures prises pour limiter ses retombées", a-t-il souligné.

Reste que dans le contexte électoral actuel, la gestion de la pandémie prend une tournure plus politique que jamais. Le refus de rouvrir de certains gouverneurs démocrates se voit désormais pointé du doigt par le président américain qui les accuse de maintenir le confinement pour nuire à sa campagne. Car l'enjeu est énorme pour Donald Trump qui mise sur une reprise rapide pour être réélu en novembre.

Juliette Galeazzi

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