"Il subsiste aujourd'hui suffisamment d'éléments pour affirmer
que des centres secrets de détention gérés par la CIA ont bien
existé en Europe, entre 2003 et 2005, notamment en Pologne et en
Roumanie", indique le conseiller aux Etats tessinois (PRD) dans son
second rapport sur les activités illégales de la CIA en Europe
présenté vendredi.
Pologne et Roumanie accusées
Les anciens présidents polonais Aleksander Kwasniewski et
roumain Ion Iliescu ont donné leur feu vert à ces prisons secrètes,
a indiqué Dick Marty. L'ancien procureur tessinois affirme avoir
obtenu les noms de huit «détenus de grande importance» (HVD)
incarcérés en Pologne entre 2003 et 2005. Parmi eux figurent le
«cerveau» présumé des attentats du 11 septembre 2001, Khaled Cheikh
Mohammed, et un lieutenant d'Oussama Ben Laden, Abou Zubaïda.
La Roumanie a pour sa part accueilli des HVD «dont la valeur était
considérée comme inférieure en termes de renseignement». Accord
secret avec l'OTAN Les opérations ont été rendues possibles
notamment par un accord secret conclu le 4 octobre 2001 entre les
Etats-Unis et leurs alliés de l'OTAN, permettant à la CIA d'enlever
et d'incarcérer des personnes soupçonnées de terrorisme en
Europe.
Cet accord stipule notamment des «autorisations de survol
générales pour des vols militaires américains liés à des opérations
contre le terrorisme» et un renforcement du partage des données du
renseignement.
Culture du secret
Selon Dick Marty, il aurait servi de «plate-forme pour des
accords bilatéraux, eux aussi, bien entendu, secrets». Ces
différents accords visaient à protéger les activités de la CIA de
«tout contrôle démocratique conventionnel». L'intérêt de se placer
sous l'autorité de l'OTAN réside dans «son régime du secret et de
la sécurité des informations», note le rapporteur.
Dick Marty a également sévèrement critiqué plusieurs membres du
Conseil de l'Europe pour avoir couvert du «secret d'Etat» les
pratiques de la CIA. Ces Etats préfèrent «préserver à tout prix les
relations (et surtout les intérêts) avec le puissant allié en
invoquant le 'secret d'Etat' chaque fois qu'une vérité désagréable
pourrait éclater au grand jour», déplore-t-il.
Le sénateur tessinois cite notamment le cas de l'enlèvement en
2003 à Milan de l'imam Abou Omar. Il regrette que Rome n'ait
toujours pas transmis à Washington les demandes d'extradition de 26
agents de la CIA (voir ci-contre).
Varsovie et Bucarest démentent
Les autorités polonaises ont à nouveau fermement démenti
vendredi l'existence de prisons secrètes de la CIA sur le sol de la
Pologne entre 2003 et 2005, comme l'en accuse le Conseil de
l'Europe dans un rapport. Le porte-parole du gouvernement a affirmé
que la Pologne attendait toujours des preuves tangibles étayant les
accusations formulées par le Conseil de l'Europe.
Même son de cloche en Roumanie, où le gouvernement a rejeté les
accusations du rapporteur spécial du Conseil de l'Europe, affirmant
que son rapport "n'apporte aucune preuve pour confirmer ces
allégations".
ats/cab
Agents de la CIA jugés en Italie
Un procès historique contre 26 agents de la CIA et d'anciens dirigeants des services secrets militaires italiens, accusés de l'enlèvement d'un ex-imam égyptien en Italie en 2003, s'est ouvert vendredi à Milan (nord).
Il s'agit du premier procès organisé en Europe sur les vols et transferts secrets de la CIA, dénoncés par le Conseil de l'Europe.
Les 26 agents de la CIA, dont l'un est également officier du Pentagone, sont jugés par contumace, le gouvernement de Romano Prodi ayant décidé comme celui de son prédécesseur Silvio Berlusconi de ne pas demander, pour le moment, l'extradition des Américains. Washington l'a de toute façon exclu.
Soupçonné de terrorisme, l'ex-imam égyptien Abou Omar a été enlevé le 17 février 2003 à Milan par un commando de la CIA aidé par des agents italiens, selon le parquet de Milan.
Conduit à la base américaine d'Aviano, dans le nord-est de l'Italie, il a été transféré en Egypte après le rapt, où il a été incarcéré et affirme avoir subi des tortures.
Le procès pourrait toutefois capoter, car le gouvernement italien a déposé un recours devant la Cour constitutionnelle, accusant le parquet de Milan de "violation du secret d'Etat" en raison d'écoutes téléphoniques de membres des services secrets.