Certains politologues s'interrogent sur le sens même de ce qui
est présenté comme une «intention de vote», à un moment où les
affiliations politiques sont parfois floues, où le nombre de
candidats est d'une quinzaine, et à plusieurs semaines du
vote.
Alain Garrigou, professeur de sciences politiques à Nanterre, juge
ainsi que les sondages sont une «parodie de science». «L'ivresse
des sondages, ce n'est pas seulement l'absurdité de la quête de sa
clef par l'ivrogne, c'est aussi l'excès», écrit-il dans un essai
publié fin 2006.
Influence sur la campagne
Sa thèse est que les instituts de sondage seraient avec les
médias et les partis politiques au centre d'un système de
production de l'opinion qui s'auto-alimenterait, avec en toile de
fond un intérêt économique à «vendre» des résultats.
Davantage que lors des scrutins précédents, les enquêtes d'opinion
influent en 2007 sur la campagne, soulignent les politologues. Fait
nouveau, disent-ils, ils ont notamment favorisé l'investiture par
les militants socialistes de Ségolène Royal, créditée des
meilleures chances de victoire par les instituts.
Ils placent à ce jour Nicolas Sarkozy en position de favori de
l'élection. Une trentaine d'enquêtes publiées cette année le voient
le plus souvent en tête au premier tour et quasiment toujours
vainqueur au second. Mais certains politologues notent le nombre
élevé d'indécis (de l'ordre de 50%) et rappellent qu'Edouard
Balladur en 1995, puis Lionel Jospin à un moindre titre en 2002
furent placés dans une position semblable en février avant d'être
battus au premier tour.
Quand les sondages "font" l'élection
«Ce que recueille les sondeurs, à ce stade, ce n'est pas une
intention de vote, ce n'est pas une popularité, c'est une
disposition générale», explique Elisabeth Dupoirier, directrice de
recherche au Centre de recherche sur la vie politique
(Cevipof).
Elle retient l'intérêt «en tendance» des enquêtes et se dit
opposée à tout encadrement autoritaire. «La meilleure garantie de
la validité des sondages, c'est la concurrence. Les instituts n'ont
pas intérêt à mentir mais à être les meilleurs», dit-elle.
Des politologues critiquent les méthodes des sondages et leur
présentation dans les médias. Source des études politiques, le
sondage en est devenu l'objet, notamment après le 21 avril 2002 qui
avait vu Jean-Marie Le Pen prendre à défaut tous les instituts en
accédant au second tour de la présidentielle.
Les chercheurs se demandent depuis si les sondages peuvent «faire»
une élection, en modifiant les comportements des électeurs. Des
enquêtes ont répondu 'oui', comme justement pour le 21 avril 2002,
où de nombreux votants avaient choisi des «petits» candidats en
considérant comme acquis le second tour Jospin-Chirac annoncé.
Vers un changement de la loi?
Certains politologues suggèrent l'amélioration du dispositif
imposé par la loi du 19 juillet 1977, qui a instauré quelques
obligations légales des médias ainsi que la commission des
sondages, instance de régulation sans pouvoir coercitif.
Parmi les premières mesures proposées, figure l'extension des
mentions légales obligatoires dans les médias aux taux de non
réponses et aux proportions d'indécis ou d'hésitants.
Le chercheur Bruno Cautrès propose dans les travaux du Cevipof
d'indiquer systématiquement les «fourchettes», plus crédibles que
des chiffres fixes.
ats/reuters/ant
Le dernier sondage: progression de Bayrou
Au second tour de la présidentielle, Nicolas Sarkozy l'emporterait contre Ségolène Royal avec 54% des voix (46%) alors que François Bayrou progresse de 6,5 points au premier tour, selon un sondage TNS-Sofres pour "Le Figaro"-LCI-RTL publié lundi.
Au premier tour de l'élection présidentielle, le candidat de l'UMP arriverait en tête avec 31% des suffrages (-2 points), devant la candidat socialiste (25,5%; -0,5 point) mais le candidat de l'UDF obtiendrait 18,5%.
Le président du FN Jean-Marie Le Pen recueillerait 12% (-1 point), loin devant les autres candidats (Marie-George Buffet 3,5%; Olivier Besancenot 3%).
Des méthodes critiquées
Plusieurs méthodes utilisées pour les sondages d'opinion politiques et par les médias qui les publient suscitent les critiques des politologues.
La taille de l'échantillon : Pour la population française, un échantillon de 1000 personnes est considéré comme le seuil minimal pour des résultats probants. Il descend pourtant en dessous de 900 dans beaucoup de sondages.
Les redressements : Le résultat immédiat d'un sondage n'est jamais exploité en tant que tel. Il est «redressé» par des opérations mathématiques tenues secrètes par les instituts, qui tiennent notamment compte des votes déclarés par les personnes interrogées lors de scrutins passés.
La présentation : Les médias ont obligation de publier la taille de l'échantillon, la méthode de sa constitution et la date de l'enquête. Le taux de non-réponse n'est que peu fréquemment fourni. La mise en exergue par les médias et les instituts d'évolutions peu ou pas significatives - moins de deux points - et l'insistance à privilégier les sondages de second tour avant le premier, dont le résultat peut pourtant changer les données, est critiquée par certains politologues.