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Vers un nouveau succès du Front national?

Le premier tour de la présidentielle française ressemblera-t-il à celui 21 avril 2002? Jean-Marie Le Pen attirerait de plus en plus les cadres moyens, les diplômés sans emploi. Mais son électorat de base pourrait être séduit par les discours de fermeté des autres candidats. Reportage en Alsace où le Front national a réalisé il y a 5 ans son meilleur score régional.


"Je vais voter pour le grisonnant!" Un homme nous interpelle. Le grisonnant? Jean-Marie Le Pen? L'homme opine avant de s'engouffrer dans son garage. La plupart des passants restent aussi distants: ils bredouillent un "non, non" quand nous les apostrophons et se hâtent de rentrer chez eux. Nous remontons la rue principale, la seule du village. Les maisonnettes qui la jalonnent se referment à mesure que nous avançons sur l'artère. Il faut frapper aux portes, insister mais rien à faire. Les habitants fuient les objectifs comme la peste, depuis la présidentielle 2002.

Laboratoire ou caricature?


Au lendemain du premier tour, les médias débarquent alors en masse et ne lâchent plus le petit bourg. Eywiller devient le symbole de la «honte française». Une sorte de laboratoire politique pour les journalistes, les étudiants, les chercheurs qui se bousculent aux portillons. Du coup, c'est presque une réaction naturelle, une sorte de réflexe enfantin: ici on ne parle pas aux inconnus.


En désespoir de cause, nous retournons chez «l'électeur du grisonnant». Nous frappons à la porte cette fois. Il refuse poliment de parler à la caméra mais nous adresse à un voisin: «la maison en construction là-bas...». Le fameux voisin est justement dehors, en train de réparer sa voiture. Il nous arrête tout de suite: «je ne parle plus aux médias. La dernière fois, on a déformé mes propos.» Vraiment? Mais quels propos? La conversation s'engage sur la présidentielle à venir, les candidats, l'extrême droite... Et puis il finit par lâcher: «on dit Hitler, mais y'a beaucoup d'Allemands qui voudraient bien son retour, parce que Hitler, qu'est-ce que c'est? Qu'est-ce que c'est Hitler? Hitler, c'est d'abord l'ordre».


Nous repartons, sans son interview, il n'en a pas démordu: la dernière fois, on a déformé ses propos...

Direction Hattmatt



Direction le village voisin d'Hattmatt. En 2002, son maire a parrainé l'extrême droite. Il a donné sa signature à Bruno Mégret, l'un des comparses de Jean-Marie Le Pen. «Ce n'est pas les idées du candidat qu'il soutenait, nous raconte-t-il, mais une certaine conception de la démocratie, pour que tous les partis, même les plus petits, puissent se présenter».


Bruno Mégret a réalisé finalement l'un de ses meilleurs scores (16,8%) dans la commune. «Les gens se sont peut-être dit, le maire il y est bien, il a signé, donc je vote Bruno Mégret», explique-t-il.


Pour éviter tout malentendu, Jean-Charles Ernst ne parrainera personne cette année.

Petite enveloppe grisonnante


Pour le moment, le vote frontiste se loge là, entre les silences de Eywiller et les silences de Hattmatt, entre un sondage et un autre, dans un cache-cache immature que légitime la cachette ultime... Mais qu'adviendra-t-il à la sortie de l'isoloir? Un bulletin plié en quatre au fond de l'urne transparente? Un bout de papier chiffonné sur le comptoir?


Pour le savoir, il faudrait pouvoir lire à travers les petites enveloppes de la République ni tout à fait bleues ni tout à fait grises, mais plutôt grisonnantes...


Amélie Boguet / tsr

Découvrez les autres volets de notre série consacrée à
la présidentielle française.

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Résultats 2002 (1er tour)

EYWILLER (138 votants)
J.-M. Le Pen - 45,65%
J. Chirac - 24,64%
F. Bayrou - 6,52%
L. Jospin - 6,52%
C. Boutin - 3,62%
A. Madelin - 2,9%
B. Mégret - 2,9%
HATTMATT (385 votants)
J.-M. Le Pen - 23,31%
B. Mégret 16,8%
J. Chirac - 11,11%
L. Jospin - 10,03%
F. Bayrou - 9,21%
A. Laguiller - 6,78%
N. Mamère - 4,88%
O. Besancenot 3,52%
Source: Dernières nouvelles d'Alsace