"C'est vraiment le début de la fin. Le principe 'un pays, deux systèmes' est devenu 'un pays, un système'. Une nouvelle ère s'ouvre, mais nous devons poursuivre le combat", a lancé Joshua Wong, l'une des figures du mouvement.
La police a ressorti ses canons à eau et ses gaz lacrymogènes dimanche, alors que des milliers de Hongkongais ont envahi les rues marchandes du centre-ville. L'annonce abrupte de Pékin a pris de court la population à laquelle la Chine avait garanti l'autonomie jusqu'en 2047. Elle viole ainsi ouvertement ses engagements.
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Le dépôt au Parlement chinois, vendredi, d'un texte visant à interdire "la trahison, la sécession, la sédition et la subversion" à Hong Kong a donc de nouveau mis le feu aux poudres. D'autant que Pékin a demandé son application "sans le moindre délai".
"La fin de Hong Kong"
"Cela marque la fin de Hong Kong, le Hong Kong que l'on connaît tous est mort. Cette loi achève nos valeurs fondamentales, nos droits de l'homme, notre démocratie, nos ambitions, nos valeurs de base… Tout s'est évaporé", s'indigne Claudia Mo, élue "pan-démocrate" au Parlement de Hong Kong, dans l'émission Tout un monde.
Près d'un an jour pour jour après le début des manifestations pro-démocratiques, le Parti communiste a assené un coup de massue sans précédent sur le territoire.
La nouvelle loi pourra potentiellement changer beaucoup de choses, alors que les Hongkongais dénoncent une emprise croissante de Pékin depuis des années. Elle criminalisera notamment toute opposition au Parti communiste. Elle prévoit en plus la mise en place à Hong Kong d'organes de sécurité qui obéiront directement au gouvernement central.
La situation est beaucoup plus préoccupante qu’auparavant
Moment stratégique
Le Parti communiste prend ainsi d'assaut le discours politique à quelques mois des élections législatives prévues en septembre. Les autorités hongkongaises devront disqualifier les candidats qui ne plaisent pas à Pékin.
"On va vers une 'poutinisation' du régime politique de Hong Kong, vers une espèce de régime illibéral où l'opposition aura plus de mal à apparaître comme ouverte et démocratique. La situation est beaucoup plus préoccupante qu'auparavant", estime Jean-Pierre Cabestan, professeur à l'Université Baptiste de Hong Kong.
Pékin s'en prend donc à Hong Kong avant une échéance électorale, pendant que le monde est occupé par une pandémie et une grave crise économique. Une action très réfléchie. "Au moment où la Chine est empêtrée dans une crise d'image et de notoriété à l'international, le parti tente de montrer sa puissance et qu'il fait ce qu'il veut", assure Claudia Mo.
Trois fronts
Par cet assaut, la Chine s'affirme dans un contexte de confrontation croissante avec l'Occident. Une confrontation qui se matérialise sur trois fronts: Hong Kong, Taïwan et la mer de Chine du Sud. Dans ce contexte, Hong Kong est une cible facile.
"A Hong Kong, la Chine a beaucoup plus de cartes en main que sur la question de Taïwan ou même que sur la mer de Chine du Sud, où la Chine entre directement en confrontation avec les Etats-Unis. Taïwan est bien mieux protégée des attaques éventuelles de la Chine qu'elle ne l'était auparavant. Même chose en mer de Chine du Sud, où vous avez un face à face sino-américain beaucoup plus quotidien. Pékin ne peut pas défier, au risque d'entrer en conflit militaire direct avec les Etats-Unis, ce que Pékin voudrait évidemment éviter si elle veut continuer à réaliser la modernisation du pays", analyse Jean-Pierre Cabestan.
L'opération permet donc à Pékin de tester le nouveau rapport de force. Une opération stratégique qui intensifie cependant le dégât d'image de la Chine à l'extérieur.
Michael Peuker
"Les Etats-Unis ont peu de moyens de pression"
Les réactions internationales ne se sont pas faites attendre suite à l'annonce de Pékin. Deux cents parlementaires issus de 23 pays ont signé samedi une déclaration conjointe pour dénoncer une violation des engagements de la Chine. La Maison Blanche a pour sa part annoncé de possibles sanctions.
L’an dernier, Washington avait adopté une loi visant à réévaluer annuellement le statut particulier de Hong Kong. Le territoire bénéficie de dispositions avantageuses en matières fiscales, financières et commerciales. En cas d’érosion de l’autonomie de Hong Kong, le département d’Etat américain peut désormais abolir ce statut avantageux pour pénaliser Pékin. Washington n’a cependant pas intérêt à passer à l’acte.
"Les Etats-Unis ont assez peu de moyens de pression sur la Chine concernant Hong Kong. Il y a beaucoup d’entreprises américaines à Hong Kong, beaucoup donc d’Américains qui y vivent. Il va falloir que Mike Pompeo (chef de la diplomatie américaine) et le département d’Etat soient extrêmement précis dans les mesures visant à réviser cette loi concernant les relations avec Hong Kong parce que je pense que l’administration Trump ne veut pas porter tort aux entreprises américaines qui sont basées à Hong Kong et qui y font des affaires . Cela va donc être une révision assez partielle, peut-être symbolique, afin de marquer le coup et montrer à Pékin que les Etats-Unis ne sont pas satisfaits", explique Jean-Pierre Cabestan.