C’est un accord historique symbole d’une Europe mise à l’épreuve par la pandémie du Covid-19. Un baptême du feu et un test politique pour Ursula von der Leyen, ancienne ministre d’Angela Merkel et toute nouvelle présidente de la Commission européenne, qui a beaucoup négocié pour mettre sur la table un plan de relance "massif", unique dans les annales de l’histoire européenne.
"Il s'agit d'une nécessité urgente et exceptionnelle, face à une crise tout aussi urgente et exceptionnelle" a plaidé, sur un ton solennel, Ursula von der Leyen. "Mettons de côté les vieux préjugés. C’est le moment de l’Europe", a insisté la nouvelle présidente alors que l’Union est confrontée à un moment historique où les divergences et les disparités s’accentuent.
Aide urgente
Très ambitieux, ce plan de relance prévoit d’injecter dans le circuit économique 750 milliards d’euros pour tenter de limiter les dégâts colossaux occasionnés par la pandémie et permettre au continent européen de sortir de la récession. Des mesures d’urgence qui s’ajoutent aux 540 milliards déjà accordés aux 27 Etats membres sous forme de prêt.
Pour financer ce plan de relance économique, l’Union européenne empruntera sur les marchés financiers. Baptisé Next Generation EU, ce plan s'ajoute à un budget européen révisé de 1100 milliards d'euros. "Ce dispositif, ajouté au budget européen à long terme, représente une enveloppe totale de 1 850 milliards d'euros", précise la présidente de la Commission européenne.
L’Italie et l’Espagne en seront les principaux bénéficiaires. Toutefois le plan est loin d’être validé. Les Etats membres doivent donner leur accord à l’unanimité. Les négociations pourraient donc se poursuivre encore plusieurs semaines avant de parvenir à un compromis. Il faudra batailler ferme pour convaincre toutes les capitales européennes.
La fronde des pays du Nord
Ce plan de relance constitue toutefois une forme de petite révolution dans l’histoire d’une communauté européenne très divisée dans une crise qui révèle au grand jour les lignes de fracture entre États membres. Longtemps exigée par l’Italie et l’Espagne et défendu avec beaucoup d’activisme par le président français Emmanuel Macron, le principe d’une mutualisation de la dette.
Très réticente dans un premier temps, l’Allemagne a fini par céder, minorisant les pays franchement hostiles au mécanisme communautaire de solidarité pour aider les pays les plus en difficulté, comme l’Italie et l’Espagne, et favorables à un plan de reprise financé uniquement par des emprunts.
Un front venu du nord de l’Europe, regroupé autour des Pays-Bas, de la Suède, du Danemark et de l’Autriche, qui a réagi avec beaucoup de froideur et de scepticisme. Partisan de la sobriété budgétaire, Sebastian Kurz, le chancelier autrichien estime que "la proposition de la Commission européenne est désormais sur la table comme base de négociations et que l’équilibre entre prêts et subventions devrait être encore discuté."
La doctrine franco-allemande
De fait, l’axe Paris-Berlin a fini par l’emporter face au front des "frugaux", partisans de l’austérité budgétaire. La semaine passée, l’Allemagne avait surpris en annonçant, de concert avec la France, un changement radical de doctrine. "Nous voyons potentiellement un changement radical dans la politique macro-économique européenne (…) Cela crée un précédent important", relève Philippe Lambers, eurodéputé du groupe des Verts.
Dans une proposition commune, Angela Merkel et Emmanuel Macron avaient déjà annoncé un plan d’aide d’urgence de 500 milliards d’euros, par le mécanisme de mutualisation de la dette européenne. En tout, sur un total de près de 750 milliards d’euros de subventions et prêts combinés, l’Italie devrait toucher 172 milliards d’euros, l’Espagne 140 milliards d’euros. La France bénéficiera pour sa part de 38 milliards d’euros.
L’ambition affichée par Bruxelles avec ce plan de relance: donner un nouvel élan à la souveraineté européenne et constituer une forme de "green deal" tout en dynamisant une économie à bout de souffle. Un projet ambitieux qui a pour vocation de faire continent européen un acteur pionnier de la transformation de la société et de l'économie vers un modèle durable.
Olivier Kohler