"Algérie Mon Amour" sur France 5, et "Algérie: Les Promesses de l'Aube" sur La Chaîne Parlementaire (LCP). Etait-ce un hasard de la programmation? Mardi soir, deux documentaires portant sur le mouvement de contestation antirégime en Algérie, étaient diffusés en France. De quoi mettre le feu aux relations complexes entre les deux pays (lire encadré).
"Le caractère récurrent de programmes diffusés par des chaînes de télévision publiques françaises, dont les derniers en date sur France 5 et la Chaîne Parlementaire, le 26 mai 2020, en apparence spontanés et sous le prétexte de la liberté d'expression, sont en fait des attaques contre le peuple algérien et ses institutions" dont l'armée, "digne héritière de l'Armée de libération nationale (ALN)", affirme le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.
Conséquence: l'Algérie a décidé mercredi de rappeler "immédiatement" pour consultations son ambassadeur en France. Une décision sur laquelle le groupe France Télévisions a refusé de faire le moindre commentaire.
Médias étrangers ciblés
Ce coup de chaud diplomatique survient au moment où la répression continue à s'abattre sur des opposants, des journalistes et médias indépendants ainsi que des internautes. Mais fait nouveau, les médias étrangers sont désormais également ciblés, ce qui n'était pas le cas au temps d'Abdelaziz Bouteflika, qui soignait ainsi son image à l'international.
Signe de ce changement de ton, le journaliste de TV5 Monde Khaled Drareni a été arrêté le 20 mars. Prétexte invoqué par les autorités: avoir incité à des attroupements non armés. En vrai, il a surtout fait son travail d'information en rapportant les manifestations organisées pour protester contre le régime et ainsi contribué à faire connaître le Hirak.
Lettre morte
Début avril, plusieurs ONG dont Reporters sans frontières (RSF) avaient enjoint le président Abdelmadjid Tebboune à libérer Khaled Drareni dans un communiqué et sur les réseaux sociaux avec le mot-dièse #FreeKhaled. Un appel resté lettre morte: la justice algérienne a refusé mercredi la demande de libération provisoire du journaliste.
Le gouvernement algérien a bloqué ces dernières semaines plusieurs sites d'information en ligne accusés d'être financés par des "organisation étrangères".
L'Algérie figure désormais à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF. Elle a dégringolé de 27 places par rapport à 2015 (119e).
Juliette Galeazzi avec AFP
France-Algérie, début d'année tendu
La polémique née des deux documentaires illustre une énième fois la nature volatile des relations en Alger et l'ancienne puissance coloniale. Au début de l'année, le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait appelé, lors d'une rencontre avec des médias algériens, au "respect mutuel" dans les relations franco-algériennes, en estimant que "l'Algérie n'est pas une chasse gardée de la France". Il faisait alors référence à des déclarations d'Emmanuel Macron au début du "Hirak", quand le président français avait appelé à "une transition d'une durée raisonnable", des propos alors considérés comme "une ingérence dans les affaires" de l'Algérie.
Début avril, l'ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, avait été convoqué aux Affaires étrangères après des déclarations tenues par un intervenant sur la chaîne internationale France 24, à propos de l'aide médicale chinoise, propos qui avaient fortement déplu aux autorités algériennes. L'ambassadeur avait alors répondu que "l'ensemble des organes de presse jouissent d'une totale indépendance rédactionnelle en France, protégée par la Loi". En d'autres termes, que les responsables algériens se trompaient d'interlocuteurs.