Depuis des années, la Turquie importe - achète, donc - des déchets que les pays européens ne peuvent ou ne veulent pas traiter chez eux. Et parmi eux, beaucoup de plastiques, que la Turquie recycle pour produire des matières premières utiles à son économie. L’an dernier, elle a ainsi reçu plus d’un demi-million de tonnes de déchets plastiques européens – la Suisse n’étant pas concernée. L’ONG Greenpeace dénonce les conséquences environnementales de ces importations.
Royaume-Uni, Italie, Belgique, Allemagne et France: voici les cinq pays européens qui ont envoyé l’an dernier le plus de déchets plastiques en Turquie. Il s'agit d'un commerce florissant, puisque les importations turques ont été multipliées par 173 en 15 ans, avec une accélération depuis 2018. Depuis que la Chine - le plus gros importateur - et d’autres pays asiatiques ont cessé d’acheter la plupart des déchets recyclables.
Revente des déchets non traités
Le problème, c’est que la Turquie ne dispose d’aucun cadre législatif pour gérer ces importations massives de poubelles européennes. L’ONG Greenpeace dénonce des contrôles sommaires aux frontières, puis dans le pays, une fois que ces déchets ont été pris en charge par des entreprises de recyclage.
"Il arrive que ces sociétés de recyclage qui travaillent sous licence n’aient finalement pas les moyens de recycler tout ce qu’elles importent", explique Deniz Bayram, co-directrice de programme chez Greenpeace Méditerranée. "Rien ne les empêche alors de revendre leurs déchets à des entreprises qui, elles, n’ont pas de licence. On ne peut donc pas dire que l’intégralité des plastiques qui entrent en Turquie sont recyclés."
Menace pour l'environnement et la santé
Et ceux qui ne le sont pas se retrouvent bien souvent dispersés dans la nature. Greenpeace, qui vient de lancer une pétition réclamant l’arrêt des importations de plastiques par la Turquie, ne se satisfait pas des explications officielles. "Lorsque nous interrogeons le ministère de l’Environnement, on nous répond que les activités de recyclage apportent une contribution importante à l’économie turque, car elles produisent des matières premières. Qu’il s’agit donc d’une activité 'précieuse'", relate Deniz Bayram.
Cette activité "précieuse" n'en menace pas moins l’environnement, et peut-être la santé, selon Greenpeace, qui s’inquiète désormais des risques de transmission du nouveau coronavirus via ces déchets européens.
Anne Andlauer/kkub