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Fortement touchées par le confinement, les ONG s'attendent à souffrir

Le logo d'Oxfam, dans le centre de Londres. [Keystone - Simon Dawson]
Les mesures de confinement impactent durement les finances de certaines ONG / Tout un monde / 6 min. / le 29 mai 2020
La pandémie de coronavirus frappe également de plein fouet les organisations à but non lucratif. D'après un sondage publié jeudi par le Centre d'Accueil de la Genève internationale (CAGI), plus de la moitié des ONG craignent pour leur survie.

Dernier exemple en date, la grande ONG Oxfam, active dans la lutte contre la pauvreté, annonçait il y a plus d'une semaine qu'elle allait fermer 18 bureaux dans le monde et supprimer près de 1500 emplois, soit un tiers de ses effectifs. Ces mesures découlent en grande partie du confinement, Oxfam ayant dû fermer ses boutiques et annuler de nombreux évènements lui permettant de récolter des fonds.

Au-delà de l'ONG britannique, c'est tout un secteur qui subit de plein fouet la crise, des petites aux grands structures. Selon le sondage du Centre d'Accueil de la Genève internationale, réalisé auprès de 124 institutions, plus de la moitié d'entre elles ont déjà connu une baisse de leurs revenus en raison du Covid-19. Près de 50% pensent également que leur organisation court un risque.

Plus de repas, mais des donateurs fidèles

Par exemple, Human Rights Watch, qui organise habituellement toute une série de dîners au printemps pour lever des fonds, parvient à récolter sur cette période environ 20 millions de francs. Cette année, tout a été annulé et l'ONG s'attend à perdre la moitié de ses dons privés.

Tous les secteurs couverts par les ONG sont touchés, c'est aussi le cas de l'humanitaire, à l'image de la fondation Terre des Hommes à Lausanne qui a également vu ses campagnes de récoltes de fonds stoppées net. Sa nouvelle directrice, Barbara Hintermann, reste vigilante à l'heure actuelle: "Jusqu'à maintenant, nous avons pu compter sur les donateurs fidèles, ce qui me donne une certaine confiance. Mais là où je me pose plus de question, c'est concernant la réaction de la philanthropie".

Car à en croire le sondage de la CAGI, de nombreuses ONG ont déjà été informées d'un report des dons de philanthropes, voire d'une baisse ou d'un retrait d'une donation.

Réorientation des dons

Selon Laetitia Gill, directrice exécutive du Centre en philanthropie de l'Université de Genève, une large majorité des organisations va souffrir de cette situation, non pas en raison d'une baisse des donations, mais à cause "des décisions qui prendront plus de temps, ou des redirections des dons en faveur du Covid au détriment d'autres enjeux sociétaux".

Pour autant, cela ne veut pas forcément dire qu’à la faveur de la crise économique, les fondations privées peuvent abandonner subitement leur engagement: "Elles sont souvent régies par des statuts qui déterminent leur action. Une fondation ne peut pas se permettre un virement à 360 degrés en fonction de l'actualité. Il faut d'abord regarder sa mission et ensuite se réorienter en travaillant par exemple sur un fonds d'urgence ou sur la recherche", explique Laetitia Gill.

Et l'experte d'exemplifier ses propos: "On a pu constater que la fondation privée des HUG a reçu énormément de dons qui vont des plateaux repas pour l'équipe soignante à des projets de recherche d'envergure. Tous ces projets sont complémentaires, mais cette diversité permet de répondre aux besoins de la situation".

Des perdants, mais aussi des gagnants

Car il y a aussi en quelque sorte des gagnants en cette période de crise, tant du côté des donateurs privés - comme les géants du numériques, que du côté des ONG. Certaines s'en sortent bien, pour autant qu'elles parviennent à rester visibles à l'image de Médecins sans Frontières (MSF).

Selon Valentina Rosa, directrice adjointe de la récolte de fonds pour la Suisse chez MSF, la crise a donné une certaine visibilité à l'ONG qui a pu bénéficier de donations supplémentaires au cours des deux mois passés. Elle constate notamment que les donateurs helvétiques ont répondu présents: "Nous avons proportionnellement levé plus de fonds en Suisse que dans d'autres pays. Cela est dû en partie à de grandes donations que nous avons reçues de la part de fondations".

Incertitudes pour 2021

Une ONG comme MSF n'a donc pas de souci à se faire du point de vue de son financement à court terme. L'horizon n'est toutefois pas dégagé pour autant. Valentina Rosa précise que les dons reçus durant ce début d'année pourraient être une anticipation des donations habituellement effectuées en fin d'année. Elle se questionne donc quant à une baisse des résultats en novembre et en décembre et s'interroge sur un éventuel redémarrage de l'économie en 2021.

De même au Mouvement International de la Croix-Rouge, le directeur des opérations, Dominique Stillhart s'attend à un futur semé d'embûches: "2021 et 2022 vont devenir beaucoup plus difficiles parce que, d'un côté, on est en face de besoins humanitaires qui vont augmenter, et de l'autre, les budgets étatiques vont être énormément sous pression".

Le CICR a récemment lancé un appel à hauteur de 3,1 milliards de francs pour prévenir les effets de la pandémie sur les populations. A ce stade, pas de restructuration en vue, mais l'institution essaie d’anticiper les manques en innovant, afin d'éviter des coupes dans les budgets, par exemple en limitant les trajets et en faisant du conseil à distance aux équipes qui se trouvent sur le terrain.

Cédric Guigon/jfe

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