"Il s'agit d'un abus de pouvoir. Il faut le dénoncer, le combattre, aux États-Unis et partout ailleurs", a affirmé l'Espagnol Josep Borrell lors d'une conférence de presse à Bruxelles. "Ici, en Europe, nous sommes choqués et consternés par la mort de George Floyd, comme la population des États-Unis. Je pense que toutes les sociétés doivent rester vigilantes face à l'usage excessif de la force par les gardiens de l'ordre", a-t-il déclaré.
George Floyd est bien mort asphyxié
Les médecins légistes qui ont réalisé une autopsie indépendante du corps de George Floyd ont affirmé lundi soir que la victime est morte par "asphyxie mécanique", et que sa mort résultait d'un homicide. Mandaté par la famille de George Floyd, le Dr Michael Baden a précisé lors d'une conférence de presse que l'homme ne présentait aucune prédisposition sous-jacente qui aurait pu contribuer à sa mort. Selon le médecin, la mort a été provoquée par la pression exercée sur le cou de George Floyd et par celles qui ont été exercées sur son dos par deux policiers.
Un peu plus tard dans la soirée, le médecin officiel en charge de son autopsie a lui aussi évoqué une mort "par homicide" à cause d'un arrêt cardiaque consécutif à la pression exercée sur son cou par les policiers.
Dans son rapport, il a aussi listé "d'autres paramètres importants: artériosclérose et hypertension artérielle; intoxication au fentanyl (un puissant opiacé, ndlr); usage récent d'amphétamines."
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Donald Trump menace de déployer l'armée
La mort de George Floyd, Afro-Américain de 46 ans, a provoqué une vague de manifestations qui ont tourné par endroits à l'émeute, provoquant à leur tour une répression parfois violente de la police américaine.
Face aux troubles se surajoutant à la pandémie due au nouveau coronavirus, Donald Trump a annoncé lundi d'un ton martial le déploiement de "milliers de soldats lourdement armés" et de policiers à Washington pour mettre un terme "aux émeutes" et "aux pillages". Il a jugé que les troubles de la veille dans la capitale fédérale étaient "une honte".
Appelant les gouverneurs à agir vite et fort pour "dominer les rues" et briser la spirale des violences, il leur a lancé une mise en garde. "Si une ville ou un État refuse de prendre les décisions nécessaires pour défendre la vie et les biens de ses résidents, je déploierai l'armée américaine pour régler rapidement le problème à leur place", a-t-il lancé, dénonçant des actes de "terrorisme intérieur".
Couvre-feu à New York
Face aux affrontements mêlant manifestants, casseurs et forces antiémeutes, les soldats de la garde nationale ont été déployés dans plus de deux douzaines de métropoles, dans un climat de tension inédit depuis les années 1960. Une réponse sécuritaire d'ampleur qui s'est accompagnée d'un recours à des véhicules blindés de transport de troupes, à l'utilisation de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc.
Une à une, les métropoles américaines ont décidé d'imposer un couvre-feu à leurs habitants. Après Washington, Los Angeles et Houston notamment, la ville de New York a décrété un couvre-feu entre 23h lundi soir et 5h du matin mardi, ont annoncé son maire Bill de Blasio et le gouverneur de l'Etat Andrew Cuomo, notamment sur Twitter. Le maire et le gouverneur, tous deux démocrates, ont aussi annoncé qu'ils allaient "doubler la présence policière" face aux manifestations qui secouent la première métropole américaine depuis jeudi soir.
L'annonce de ce couvre-feu survient alors que de nouvelles manifestations démarraient lundi après-midi près de Times Square, en attendant d'autres rassemblements prévus dans les districts de Brooklyn et Queens. Certains manifestants ont cependant déclaré immédiatement leur intention de ne pas respecter le couvre-feu. "Ces manifestations vont durer aussi longtemps qu'il le faudra - un jour, une semaine, un mois, un an", a ainsi affirmé à l'AFP une manifestante.
Hommage à Minneapolis
A Minneapolis, le carrefour où s’est déroulé le drame, dans un quartier populaire de la ville, s’est transformé en lieu de recueillement en mémoire à George Floyd. Des milliers de personnes viennent lui rendre hommage.
A Saint-Paul, ville qui jouxte Minneapolis, des milliers de personnes ont manifesté contre le racisme et pour que les policiers impliqués dans la mort de George Floyd rendent tous des comptes. Pour l'instant, seul l'un d'eux a été arrêté et inculpé d'homicide involontaire. Les foules ont notamment martelé "Black Lives Matter" ("La vie des Noirs compte") et "I can't breathe" ("Je ne peux pas respirer").
Plus de cinquante personnes arrêtées pour pillages
Le déploiement des forces de l'ordre n'a pas empêché certains débordements. Des pilleurs se sont attaqués dimanche à des magasins d'un centre commercial huppé de Santa Monica, en Californie. A Philadelphie, sur la côte Est, plus de cinquante personnes ont été arrêtées pour pillages depuis samedi, selon la police.
Des routes ont été coupées, des voitures et des commerces incendiés et les forces de l'ordre, déployées en grand nombre, ont répliqué par des gaz lacrymogènes et dans certains cas avec des balles en caoutchouc.
Une violence ancrée historiquement
Interrogé mardi dans le 12h30, Yann Philippe, maître de conférences en histoire et civilisation américaines à l’Université de Reims Champagne Ardennes, rappelle que cette violence policière s'est construite historiquement autour de deux axes principaux: la société américaine est historiquement violente et la police intervient elle-même en utilisant la force.
"Il y a une tradition d'usage de la force très importante par la police, dans une société où beaucoup d'armes circulent", rappelle-t-il. Les policiers ont donc tendance à se protéger d'abord, ce qui entraine une violence policière importante".
Et la contestation, elle, se nourrit du sentiment que la police s’en sort toujours. "Cela me semble décisif", dit ce spécialiste de l'histoire de la police en citant une étude publiée par le Washington Post montrant que depuis le début du siècle seul 1% des policiers ayant entraîné la mort d'un civil avaient été poursuivis en justice. "Cela laisse penser à un déni de justice qui contribue puissamment à la mobilisation d'une partie de la population".
agences/vic
Réactions en Chine et en Iran
La Chine a dénoncé lundi la "maladie chronique" du racisme aux Etats-Unis. Les troubles dans plusieurs villes américaines sont le signe de "la gravité du problème du racisme et de la violence policière aux Etats-Unis", a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
De son côté, l'Iran a appelé lundi les Etats-Unis à "arrêter les violences" contre leur propre peuple après la mort de George Floyd. "Au peuple américain: le monde a entendu votre cri sur l'état d'oppression. Le monde est à vos côtés", a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien.