Le prix leur est conjointement décerné "pour leurs efforts de
collecte et de diffusion des connaissances sur les changements
climatiques provoqués par l'homme et pour avoir posé les fondements
pour les mesures nécessaires à la lutte contre ces changements", a
déclaré à Oslo le président du comité Nobel norvégien, Ole Danbolt
Mjoes. Al Gore s'est dit "profondément honoré".
Le parcours d'Al Gore
Albert Arnold Gore est né le 31 mars 1948 dans une famille
marquée par la politique. Son père, Albert Arnold Gore Sr., fut
sénateur du Tennessee de 1952 à 1970 et le prépare dès l'enfance
pour la fonction suprême. Après avoir travaillé au service de
presse de l'armée au Vietnam de 1969 à 1971 malgré son opposition à
la guerre, il s'inscrit à des cours de théologie tout en
travaillant comme reporter au profit d'un quotidien de
Nashville.
Il entame ensuite des études de droit et, après un passage dans
les universités de Harvard et Vanderbilt, il se lance dans la
politique en 1976 gagnant le siège détenu auparavant par son père.
Al Gore est ensuite réélu à trois reprises puis devient sénateur du
Tennessee en 1984 à l'âge de 36 ans.
A partir de la fin des années 70, il conforte son assise au
Congrès en se spécialisant dans des dossiers techniques. Il a pu
ainsi apporter à Bill Clinton son expérience en matière
d'éducation, de technologie - internet deviendra l'un de ses
chevaux de bataille -, d'environnement et de
télécommunications.
En 1988, il se présente à l'élection présidentielle mais, perdant
New York au cours des primaires démocrates, il décide finalement de
se retirer de la course, en jurant qu'il y aura "un autre jour"
pour lui. En 1992, il est appelé par Bill Clinton pour compléter
son "ticket" et rempilera à la vice-présidence lors de la
réélection de ce dernier en 1996. Après l'échec de sa candidature à
l'élection présidentielle controversée de 2000, Al Gore se consacre
à ce qu'il considère désormais comme le but de sa vie.
L'oeuvre d'Al Gore
Al Gore, 59 ans, est revenu sur le devant de la scène l'an
dernier avec son livre et documentaire "Une vérité qui dérange" qui
tire la sonnette d'alarme face au réchauffement de la
planète.
Primé aux Oscars, le film de 96 minutes a contribué à vulgariser
un sujet complexe et à sensibiliser l'opinion publique à la menace
climatique. "L'ex-futur président des Etats-Unis d'Amérique", comme
Al Gore se présente avec dérision, a été consacré cette année par
le magazine Time comme l'une des 100 personnalités les plus
influentes au monde. Une liste où l'actuel occupant de la Maison
Blanche, le républicain George W.Bush, celui-là même qui l'avait
défait en 2000, n'apparaît pas.
Un message fort
La distinction d'Al Gore et du Giec parmi les 181 candidats en
lice cette année lance un message fort à la communauté
internationale à quelques semaines de la conférence de Bali, du 3
au 14 décembre. Celle-ci doit tracer la feuille de route pour de
nouveaux engagements de réduction des émissions de gaz à effet de
serre au-delà de 2012, après l'expiration de la première phase du
protocole de Kyoto. Un texte qu'Al Gore a négocié pour les
Etats-Unis mais que G.W.Bush n'a pas ratifié. Les Etats-Unis sont
avec la Chine le principal émetteur de CO2 de la planète.
Le Nobel - un diplôme, une médaille d'or et un chèque de 10
millions de couronnes suédoises, soit 1,08 million d'euros - sera
remis à Oslo le 10 décembre, date-anniversaire de la mort de son
fondateur, le savant et philanthrope suédois Alfred Nobel,
inventeur de la dynamite.
agences/hof
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NOMBREUSES REACTIONS
Al Gore s'est dit vendredi "profondément
honoré" de recevoir le prix avec le Giec, jugeant que le monde
faisait face à "une véritable urgence planétaire". "La crise du
climat n'est pas un sujet politique, c'est un défi moral et
spirituel pour l'ensemble de l'humanité".
Rajendra Pachauri, président du Giec: "J'espère
que cela placera la question (du réchauffement climatique) sur le
devant de la scène et que cela provoquera une plus grande prise de
conscience et un sentiment d'urgence".
José Manuel Barroso, président de la Commission
européenne: "Leur contribution à la lutte contre le changement
climatique a accru l'intérêt pour cette question partout dans le
monde. Leur travail a inspiré tant les responsables politiques que
les citoyens".
Ban Ki-moon
, secrétaire
général des Nations unies s'est dit "ravi" de l'attribution du prix
Nobel, rendant hommage à "l'engagement et à la conviction
exceptionnels d'Al Gore, qui est un exemple du rôle crucial que des
individus et la société civile peuvent jouer pour encourager des
réponses multilatérales sur des sujets planétaires". "Grâce aux
découvertes claires et bien documentées du Giec il est maintenant
établi sans le moindre doute que le réchauffement climatique est en
cours et qu'il est largement provoqué par l'activité
humaine".
Yvo de Boer
, patron de la lutte contre le
réchauffement au sein de l'ONU: ce prix "va aider à assurer le
soutien de l'opinion publique à ce qui est réellement important,
c'est-à-dire de négocier des solutions".
Le WWF
(Fonds mondial pour la nature): le comité
du prix Nobel a reconnu que "le changement climatique est le défi
majeur du 21e siècle".
Achim Steiner
, patron du Programme des Nations
unies pour l'environnement (PNUE): "Le comité du prix Nobel de la
paix a aujourd'hui fait comprendre que le combat contre le
changement climatique est une politique essentielle pour la paix et
la sécurité au 21e siècle".
Nicolas Sarkozy
, président de la République
française, a déclaré que l'attribution du prix Nobel de la Paix à
Al Gore et au GIEC "oblige l'ensemble de la communauté
internationale". "Nous devons maintenant tous ensemble, sous
l'égide des Nations unies, réunir et concrétiser nos efforts pour
définir à l'échelle planétaire un cadre global de lutte contre le
réchauffement climatique", souhaite le président français. Il a
fait part dans un communiqué de sa "très grande joie" après
l'attribution du Prix Nobel de la Paix à Al Gore et au Giec.
Nicolas Hulot
, animateur écologiste français:
"une reconnaissance suprême qui va donner une lisibilité et
décréter une mobilisation planétaire".
Andreï Illarionov
, ancien conseiller économique
du président russe Vladimir Poutine, a estimé qu'il s'agissait du
"pire choix de toute l'histoire" des prix Nobel. Selon lui, qui
était opposé à la ratification par la Russie du protocole de Kyoto,
"le prix Nobel de la Paix est décerné pour la déformation et la
falsification des connaissances sur l'environnement et pour un
appel à un règlement, non pas pacifique, mais de fait violent de
problèmes inexistants".
L'administration Bush
a salué cette récompense
comme une reconnaissance importante, mais a averti que sa politique
climatique ne changerait pas.
Les derniers lauréats
2007: Al Gore (USA) et le Giec
2006: Muhammad Yunus (Bangladesh) et la Grameen Bank
2005: AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) et son directeur Mohamed ElBaradei (Egypte)
2004: Wangari Maathai (Kenya)
2003: Shirin Ebadi (Iran)
2002: Jimmy Carter (USA)
2001: ONU et son secrétaire général Kofi Annan (Ghana)
2000: Kim Dae-Jung (Corée du Sud)
1999: Médecins sans frontières (fondé en France)
1998: John Hume et David Trimble (Irlande du Nord/G-B)
Le travail du Giec
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), consacré vendredi par le Prix Nobel de la Paix, a largement contribué par ses travaux à réveiller la planète sur les dangers du changement climatique depuis 20 ans.
Plus vaste expertise sur le sujet, le Giec - IPCC en anglais, pour Intergouvenemental panel on climate change - examine, valide et synthétise l'ensemble des travaux publiés sur le climat par les chercheurs du monde entier, servant ainsi de courroie de transmission entre la communauté scientifique et les décideurs politiques.
Son 4ème rapport publié cette année attribue le réchauffement en cours aux activités humaines avec 90% de certitude, désarmant les ultimes résistances. Les experts tablent sur une hausse de 1,1 à 6,4°C de la température moyenne de la planète en 2100, avec une fourchette plus probable de 1,8 à 4 degrés.
"L'urgence est évidente. Il est très clair que nous ne parlons pas d'un changement climatique dans un avenir proche, mais qu'il nous affecte déjà", soulignait au printemps le président du Giec, l'Indien Rajendra Pachauri, souhaitant que "la communauté internationale commence, sur cette base, à avancer dans la bonne direction".
Le Giec a été créé en 1988 par l'Organisation météorologique mondiale et le Programme pour l'environnement des Nations unies (Pnue), à la demande du Groupe des sept pays les plus industrialisés (G7, devenu G8 depuis) et a rendu son premier rapport en 1990 (puis 1995, 2001 et 2007).
Chacun des trois groupes de travail - chargés respectivement des aspects scientifiques du changement climatique; des conséquences prévisibles du phénomène, de leurs impacts économiques et sanitaires; et des possibilités de s'y adapter et de l'atténuer réunit plus d'un millier d'experts qui valident les travaux de leurs pairs.
Leurs rapports font chacun l'objet d'un "résumé à l'intention des décideurs", une synthèse d'une quinzaine de pages dont les termes sont âprement négociés et adoptés par consensus par l'ensemble des Etats membres de l'ONU.
Ce processus signifie que les rapports du Giec, qui fondent la riposte aux changements climatiques, représentent le plus petit dénominateur commun sur lequel la communauté internationale est parvenue à un accord.
Cette année, le Giec a confirmé et précisé l'ampleur du réchauffement, son accélération - la température moyenne de la planète a déjà gagné 0,74° en cent ans - et le cortège de dérèglements et de drames à venir: vagues de chaleurs, inondations, famines, sécheresses.
Saisi par l'urgence, le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki moon, a pour la première fois organisé en septembre à New York un sommet sur le climat en présence de plus de 70 chefs d'Etat, et lancé une mise en garde: "Le temps du doute est passé.
Le Giec a affirmé sans équivoque que notre système climatique se réchauffe et que c'est directement dû aux activités humaines: la réponse que nous y apporterons définira notre époque et déterminera l'héritage que nous laisserons aux générations futures".