Modifié

La difficile rescolarisation des enfants des mines d'or ougandaises

En Ouganda, des organisations essaient de rescolariser les enfants mineurs.
En Ouganda, des organisations essaient de rescolariser les enfants mineurs. / 19h30 / 3 min. / le 6 juin 2020
Un ouvrier sur quatre travaillant dans le secteur minier ne serait pas majeur. Alors que la Suisse devrait voter en novembre sur l'initiative dite "pour des multinationales responsables", reportage en Ouganda, où des organisations essaient de ramener en classe les enfants qui ont décroché de l'école pour travailler.

A l'est de l'Ouganda, à la frontière avec le Kenya, la petite ville de Tiira est une véritable mine d'or à ciel ouvert. Partout des trous, plus ou moins grands, plus ou moins profonds. Dans les jardins, transformés en ateliers aurifères, tout le monde travaille, adultes comme enfants.

Paul Angesu est un ancien mineur reconverti en "mobilisateur": son rôle est de ramener en classe les enfants qui ont décroché de l'école pour travailler dans le secteur minier.

Ici, un travailleur sur quatre ne serait pas majeur. Certains travaillent en dehors des heures d'écoles et le week-end.

Paul Angesu cible plutôt ceux qui ont abandonné l'école; il a repéré un jeune qu'il tente de persuader de reprendre les études. Le contact est pris, mais ce n'est pas acquis: "Parfois c'est difficile de les convaincre. Certains ne comprennent pas l'enjeu pour leur avenir ni l'importance de l'école", explique-t-il.

Depuis l'âge de 10-11 ans, Moloclen lave tous les jours les restes de minerai, manipule le mercure à mains nues, inhale ses effluves toxiques, avec l'espoir d'en ressortir une pépite: "C'est la seule chose que je sais faire", avoue-t-il timidement: "J'ai échoué à l'école en sixième primaire".

Un quart de la production mondiale d'or

Les travailleurs sont rémunérés au jour le jour. L'acheteur est déjà sur place: "Je garde la moitié pour moi, l'autre moitié c'est pour les travailleurs", affirme Stephen Otabong, négociant.

Le travail de Moloclen pèse aujourd'hui 0,13 gramme: il repart avec l'équivalent de 3,80 francs, sa paie journalière maximale…

Rémunérés deux à trois fois moins que les adultes, les enfants et les adolescents sont des travailleurs en or pour les petits exploitants.

D'autant que le secteur est en plein boom. L'augmentation de la demande d'or et l'envolée de son prix attirent toujours plus de travailleurs dans les mines artisanales: on estime qu'ils sont 15 à 20 millions. Ils réalisent un quart de la production mondiale d'or.

Profit important pour la population locale, plusieurs organisations publiques et privées s'attellent à rendre cette activité artisanale plus éthique et responsable.

Des cours et un métier

C'est ainsi qu'en trois ans, Paul Angesu et les autres mobilisateurs ont réussi à faire sortir des mines près de 500 enfants.

C'est dans un "centre de motivation", comme il l'appelle, que les anciens petits mineurs comblent leurs lacunes scolaires et retrouvent le goût d'étudier: "Si ces enfants sont dans les mines, c'est aussi parce qu'il n'y a personne à la maison pour les pousser à étudier", remarque Rose Auma, de l'Association Women's Action in Development (NAWAD). "La plupart des parents ne sont eux-mêmes jamais allés à l'école, donc ils ne voient pas ça comme un problème que leurs enfants travaillent".

Shafik Emodo est un ex-enfant mineur. Il a arrêté l'école en première primaire: "Mes parents ne pouvaient pas me payer les taxes scolaires. J'ai travaillé six ans dans les mines. Mais je n'ai pas eu assez d'argent pour me payer la scolarité", témoigne-t-il.

Outre les cours, certains apprennent aussi un métier. Juliette Amoit a aussi travaillé dans les mines, enfant: "C'était très difficile d'y être. Je portais beaucoup de cailloux, donc j'ai eu des problèmes aux poumons".

"Le travail est tellement dur, spécialement pour leur âge", ajoute Paul Angesu: "Et il y a aussi les problèmes de toxines qu'on utilise dans les mines, spécialement le mercure".

Le nombre d'enfants impliqués dans le travail des mines à travers le monde est estimé à un million et demi.

>> Ecouter les explications de Pascal Jeannerat :

Pascal Jeannerat: "Le but des ONG n'est pas de supprimer les mines artisanales mais de rendre ce travail digne".
Pascal Jeannerat: "Le but des ONG n'est pas de supprimer les mines artisanales mais de rendre ce travail digne". / 19h30 / 1 min. / le 6 juin 2020

Reportage télévisé: Magali Rochat

Adaptation web: Stéphanie Jaquet

Publié Modifié

L'initiative dite "pour des multinationales responsables"

Cette initiative veut obliger les sociétés sises en Suisse à examiner régulièrement les conséquences de leur activité sur les droits de l'homme et l'environnement, également à l'étranger.

Les entreprises manquant à ce devoir de diligence devraient répondre des dommages causés, y compris par les sociétés qu'elles contrôlent sans participer directement aux activités incriminées.

Votation probable en novembre

Après deux ans de dispute au Parlement, seul un contre-projet très modeste à l'initiative sur les entreprises responsables, proposé par le Conseil des Etats, reste sur la table. Les initiants le jugent insuffisant et maintiennent leur initiative. Les initiants étaient prêts à retirer leur texte si le contre-projet concocté par le National s'imposait.

Le peuple tranchera, probablement en novembre. Les deux Chambres ont bataillé ferme sur la meilleure façon de tordre le cou à une initiative qu'elles rejettent, mais qui a le soutien de nombreuses organisations.

ats/sjaq