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L'ex-basilique Sainte-Sophie à deux doigts de redevenir une mosquée?

Basilique Sainte-Sophie, Istanbul. [Depositphotos - gumbao]
Sainte-Sophie, dans lʹœil du nationalisme religieux dʹErdogan / Hautes fréquences / 14 min. / le 7 juin 2020
Fin mai, le gouvernement turc a célébré la prise de Constantinople par la lecture d’une sourate dans l’ex-basilique Sainte-Sophie à Istanbul. Un pas de plus pour les conservateurs qui souhaitent que cet actuel musée redevienne une mosquée.

Pour la première fois depuis 87 ans, un imam a récité une sourate dans l’ex-basilique Sainte-Sophie à Istanbul, vendredi 29 mai, lors des célébrations en l’honneur de la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453. Un événement qui a créé la polémique du côté de l’élite laïque du pays ainsi que chez les Grecs. Ils accusent le président Recep Tayyip Erdogan d’avoir organisé cette prière à des fins politiques.

"Depuis qu’Erdogan est au pouvoir, cet anniversaire est devenu l’occasion de diffuser son idéologie de conquête", déplore l’écrivain turc vivant à Paris Nedim Gürsel, auteur d’une quarantaine d’ouvrages, dont le "Roman du Conquérant" qui relate justement la prise de Constantinople par les Turcs.

Ancien bijou de la chrétienté sous l’Empire byzantin, Sainte-Sophie a été transformée en mosquée en 1453. Puis dans les années 1930, Mustafa Kemal Atatürk a décidé de "l’offrir à l’humanité" et de la transformer en musée.

Un symbole de la laïcité

"Le statut de Sainte-Sophie est le symbole de ce qu’il reste de la laïcité en Turquie, ce n’est pas un lieu de culte. Cette initiative du gouvernement turc est une première étape pour en faire une mosquée", explique Nedim Gürsel, qui est également directeur de recherches au CNRS. C’est d’ailleurs ce qu’a promis à ses partisans le président Erdogan en mars 2019, lors des élections municipales.

Depuis les années 1950, précisément depuis le 500e anniversaire de la prise de Constantinople, les nationalistes musulmans réclament que Sainte-Sophie redevienne une mosquée. Et si c’est la première fois, qu’une sourate est lue dans l’édifice, le gouvernement turc a multiplié les symboles: des appels à la prière, notamment les 23 mars dernier, ont déjà été entendus dans ce lieu officiellement neutre.

Un enjeu politique

Pour Nedim Gürsel, l’enjeu est politique: "Cela reflète que le gouvernement turc manipule pour donner une image forte d’une Turquie musulmane et non laïque. Or, la laïcité est une des valeurs fondamentales de la démocratie."

Fervent partisan de l’adhésion de la Turquie à l’Europe, l’écrivain turc déplore le nationalisme du président qui ne laisse plus aucune chance à cette alliance. "La Turquie s’est beaucoup éloignée des valeurs européennes comme la liberté d’expression, la laïcité, et surtout la séparation des pouvoirs. Ce n’est pas impossible que Sainte-Sophie redevienne une mosquée prochainement."

Laurence Villoz/RTSreligion/boi

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