Publié

L'Afghanistan reste plongé dans le chaos

L'analphabétisme touche 60% des femmes afghanes
L'analphabétisme touche 60% des femmes afghanes
Plus de cinq ans après la chute des talibans, l'Afghanistan peine à se reconstruire. Le vent d'espoir du 13 novembre 2001 n'a pas chassé les difficultés: drogue, insécurité, corruption. Alors même que les rebelles afghans regagnent du terrain.
Reportages à Kaboul.

«Depuis le départ des talibans, il n'y a pas eu de grands
changements. Le gouvernement a dilapidé tous son temps et son
argent sans rien faire pour la population.» Nombreux sont les
Afghans qui, comme Aqa Hussain Sancharaki, journaliste afghan
(à écouter dans le reportage ci-dessous), attaque
la politique du président Hamid Karzai. On lui reproche d'avoir
beaucoup promis mais peu réalisé, malgré l'aide massive reçue par
la communauté internationale.

Les grands maux

Corruption, népotisme, nominations malencontreuses, pots-de-vin
aux membres du gouvernement. La population fait les frais de ces
malversations. Jamais le fossé entre riches et pauvres n'a été
aussi grand. Entre un fonctionnaire qui peut gagner jusqu'à 1000
francs par jour et un ouvrier, qui n'en gagne qu'un demi
(voir le reportage ci-contre).



La marginalisation de ceux qui n'appartiennent pas au groupes
sociaux et politiques dominants couplée au mécontentement général
intensifie les insurrections. Un combattant taliban de base est
souvent un Afghan déçu, facilement manipulable.

Terrorisme en augmentation

A côté de la criminalité ordinaire, les attentats à la bombe et
les attentats-suicides sont en forte augmentation dans tout le
pays. 15 en moyenne par mois depuis début 2007. L'année 2006 en a
comptabilisés nonante, contre vingt en 2005 et quatre en 2004. Des
attentats qui visent principalement les convois militaires
étrangers, mais aussi, et de plus en plus, les civils.

L'opium, ce
fléa
u



Dans ce climat de tension et d'insécurité, les trafics en tout
genre se développent, dont les stupéfiants. La communauté
internationale a bien déployé deux milliard de dollars pour lutter
contre la drogue en Afghanistan. Malgré cela, le pays a vu sa
production accroître de 49% l'année déernière, dépassant tous les
records: 6100 tonnes d'opium, soit 92% de la production
mondiale.



On connaissait déjà l'Afghanistan grand producteur de drogue. On
le connaissait moins consommateur. C'est pourtant un nouveau fléau
qui frappe la capitale. Les drogués de Kaboul sont l'un des
symptômes du mal afghan (voir le reportage
ci-dessus)
.



Selon l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime
(UNODC), 1,25 million d'Afghans consomment de la drogue, dont
100'000 rien qu'à Kaboul. Beaucoup sont d'anciens exilés. La
plupart des toxicomanes ont sombré dans la dépendance dans les
camps de réfugiés des pays voisins, alors qu'ils tentaient de fuir
la guerre.



Aujourd'hui, les rebelles afghans sont tenus pour responsable de
l'augmentation de ce fléau. L'UNODC dénonce le cercle vicieux du
financement du terrorisme par la drogue et du terrorisme soutenant
le trafic de drogues.

Après la burka

Les femmes ont peut-être gagné le choix de la burka. Elles n'ont
pas gagné celui de leur mari. L'insécurité et le poids des
traditions n'aidant guère, les femmes continuent d'être victimes de
crimes d'honneur. Le phénomène des fille-mères comme celui des
mariages prématurés sont profondément ancrés dans les pratiques,
même si légalement l'âge du mariage est fixé à 16 ans pour les
filles (voir reportage ci-dessus). On ferme
facilement les yeux sur l'irrespect de cet ordre: actuellement, 57%
des mariées sont en dessous de l'âge légal.



Les conséquences sont souvent désastreuses. Nombreuses sont les
filles qui s'immolent par le feu pour ne pas subir les mauvais
traitements d'un mari violent. 500 cas de suicide par le feu ou par
d'autres moyens sont recensés chaque année dans tout
l'Afghanistan.



Le 13 novembre 2001, les gens avaient espérer voir leur vie
changer. A regarder la situation afghane, le pays connaît toujours
les mêmes maux. Alors que les espoirs s'essouflent, il semble bien
que les Afghans en sont là où ils en étaient il y a 20 ans.



Magali Rochat/tsrinfo

Publié

Chronologie

1988-89: Premier retrait des troupes soviétiques. Début de la guerre civile qui oppose le gouvernement et les rebelles.

1992: Fin du régime communiste et début de la guerre civile entre factions moudjahidine divisées selon des critères ethniques, religieux et régionaux. 1992: Prise de Kaboul par les moudjahidin

1994: Naissance des milices de talibans

1996 : Kaboul passe sous contrôle des talibans qui imposent une version particulièrement rigide de la Charia (loi coranique).

Mai 1997: le Pakistan, l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis reconnaissent le gouvernement des Talibans.

2000 : Plus de 90% du territoire est entre les mains des talibans

11 septembre 2001 : le gouvernement américain accuse Al-Quaida, le mouvement implanté en Afghanistan, d'être à l'origine des attentats

7 octobre 2001 : début des bombardements américains sur Kaboul, Kandahar et Jalalabad

13 novembre 2001 : L'alliance du Nord, les forces anti-talibans, entre dans Kaboul

27 novembre – 5 décembre 2001 : Accord sur la création d'un gouvernement intérimaire dirigé par Hamid Karzai

26 janvier 2004 : La Loya Jirga, assemblée du peuple, adopte la Constitution

9 octobre 2004 : Hamid Karzai est élu président de la république islamique d'Afghanistan

18 septembre 2005 : Elections législatives et provinciales

5 octobre 2006 : L'ISAF, la force internationale d'assistance à la sécurité de l'OTAN étend son commandement à tout l'Afghanistan, y compris l'Est jusqu'alors sous l'autorité américaine

22 octobre 2006 : le mollah Omar, chef suprême des talibans, promet de traduire Hamid Karzai devant un tribunal islamique

Depuis début 2007 : les attentas-suicides et les attentats à la bombe se multiplient. De même que les prises d'otages, afghans et étrangers. Les opérations de l'OTAN se succèdent alors que les talibans regagnent du terrain.