L'enquête du New York Times, auprès de 6000 épidémiologistes, porte sur les différents actes de notre vie sociale et quotidienne. Les réponses concernant nos rituels de salutations étaient très diverses. 6% des épidémiologistes estiment qu'ils ne se serreront plus de main. 42% pensent, au contraire, reprendre cet usage dans plus d'un an. Enfin, 6% serrent encore des mains aujourd'hui. Leur bagage scientifique est commun, et pourtant, chaque scientifique agit en fonction de sa propre personnalité.
Les vrais épidémiologistes ne se serrent jamais la main
Pour Christopher Bond, épidémiologiste pour un grand groupe pharmaceutique, se serrer la main n'a rien d'anodin. L'un des principes de base en matière de maîtrise des épidémies - et particulièrement dans les services de santé - c'est l'hygiène des mains.
Le coronavirus affecte notre système respiratoire. Comme nous touchons notre bouche et notre nez plus souvent qu'on le croit, se serrer la main devient potentiellement dangereux et les agents pathogènes en profitent. "Les vrais épidémiologistes ne se serrent jamais la main", blague-t-il, tout en soulignant que "nous avons quand même besoin d'avoir ce type de contacts pour être humains".
Des contacts nécessaires
Éviter cette proximité n'est pas toujours chose facile. Et pour cause, ces rituels de salutations sont rassurants, ils encadrent nos relations.
Nous sommes une culture de contact
Pour Dominique Picard, psychosociologue et auteure de "Politesse, savoir-vivre et relations sociales", ces rituels sont très pratiques, parce que ce sont des automatismes. "Si on ne peut plus y avoir recours, ça crée souvent un peu de malaise et d'embarras", analyse-t-elle.
Selon l'experte, la poignée de main est extrêmement ancrée dans notre culture. "Nous sommes une culture de contact", soutient-elle.
Dominique Picard estime que la poignée de main restera sans doute dans nos habitudes. Pour ce qui est de la bise, l'experte en est moins sûre.
La bise à travers le temps
La bise a traversé les siècles, mais n'a pas toujours eu la même signification. Au Moyen-Âge, le baiser prend des formes très solennelles entre clercs, dans l'Église, dans l'aristocratie, et dans le monde de la chevalerie. "Le baiser était masculin et élitiste", explique Gérald Cahen, directeur d'un livre collectif "Le baiser, premières leçons d'amour". Il représentait un échange de souffle qui figurait une alliance.
Cet échange a ensuite disparu à cause de la pandémie de peste. Mais pas uniquement. Le changement de la société a également joué un rôle, tout comme le recul de la spiritualité, puisque le baiser de paix religieux était lui aussi un baiser sur la bouche.
Avec le temps, le mot "baiser" est devenu "embrasser" et "l'étreinte" a pris le pas dans le vocabulaire sur le "bisou".
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Blandine Levit/gabc