Le coronavirus fait encore environ 5000 victimes quotidiennes et l'ampleur du choc économique se précise un peu plus chaque jour. Le PIB mondial devrait reculer cette année de 6%, selon les prévisions de l'OCDE, pour autant qu'il n'y ait pas de deuxième vague. En Europe, les scénarios sont encore plus pessimistes, avec une chute de plus de 11% pour la France, l'Italie et l'Espagne et de près de 7% pour l'Allemagne.
"En termes de faillites, le pire est devant nous puisque les entreprises ont été maintenues sous respirateur artificiel par les États et les banques centrales", explique Mathilde Lemoine, cheffe économiste au Groupe Edmond de Rothschild et invitée de Géopolitis. Les entreprises doivent faire face à une reprise difficile de leurs activités, surtout dans les secteurs qui dépendent du public, comme dans les loisirs, l'hôtellerie ou la restauration. "C'est ce qui pèse en particulier sur les activités européennes qui sont très dépendantes du tourisme", souligne Mathilde Lemoine.
Pour cette analyste, spécialiste de l'économie internationale, les plans de relance et la réactivité des banques centrales, surtout dans la zone euro et aux Etats-Unis, ont en partie fonctionné: "cela a été extrêmement puissant, pour autant ce n'est pas suffisant et on va devoir soutenir la demande parce que les ménages aujourd'hui sont très prudents et ont encore peur du virus."
Difficile reprise
Dans le secteur aérien, les vols reprennent très timidement. Plusieurs grandes compagnies aériennes ont anticipé une baisse durable de leurs activités: Lufthansa va supprimer 22'000 emplois, British Airways 12'000 et Air France jusqu'à 10'000. D'autres compagnies ont déjà fait faillite, comme Virgin Australie ou Latam Airlines. Mais de nombreux autres secteurs sont aussi touchés de plein fouet, dans l'industrie, l'énergie, la finance. HSBC, l'une des plus grandes banques du monde, va biffer 35'000 postes.
Il faut rester prudents et humbles dans nos prévisions de croissance.
La crise actuelle pourrait aussi avoir des conséquences à long terme sur ce que l'on nomme les chaînes de valeurs, toutes ces étapes dans la production d'un bien, souvent réparties entre plusieurs pays et plusieurs entreprises. "Il faut être vigilant, relève Mathilde Lemoine. On mesure mal à ce stade la désorganisation des chaînes de valeur. On sait bien évaluer les impacts directs du confinement en termes de consommation, d'investissement, mais on peut avoir sous-estimé des désorganisations au niveau de la production. Il faut rester prudents et humbles dans nos prévisions de croissance."
L'Allemagne et les USA
Malgré les chiffres vertigineux du chômage aux États-Unis, avec un taux de presque 15% à la mi-mai, la première puissance économique mondiale a bien réagi selon Mathilde Lemoine: "les États-Unis mais aussi l'Allemagne ont mis en place des plans d'accompagnement et de relance extrêmement bien calibrés."
Washington a débloqué plus de 4000 milliards de dollars pour faire face à la crise. En plus d'un plan de relance à 1000 milliards d'euros, Angela Merkel a annoncé un programme d'investissement direct du gouvernement à hauteur de 150 milliards. Une stratégie qui pourrait, selon Mathilde Lemoine, renforcer la place de l'Allemagne en Europe mais aussi vis-à-vis des États-Unis et de la Chine.
La reprise en Chine très observée
Premier pays touché par la crise sanitaire, la Chine est aussi le premier État à avoir relancé son activité économique. La situation est scrutée par les analystes du monde entier. "Nous suivons cela comme le lait sur le feu, explique Mathilde Lemoine, parce que c'est un peu un indicateur avancé de la façon dont les pays vont rebondir." Pour le moment, la reprise est très timide. L'Asie reste très dépendante de ses échanges avec les États-Unis et l'Europe qui sont sortis plus tardivement du confinement.
En Chine, le secteur des services souffre encore des contraintes sanitaires, comme la distanciation sociale. "La consommation se porte plutôt sur les biens manufacturiers, note Mathilde Lemoine. C'est la grande surprise de ce qui se passe en Asie: on a un redémarrage assez fort des achats de biens manufacturiers, que ce soit le luxe ou même l'automobile dans certains cas."
Elsa Anghinolfi