Les gouvernements commencent à tirer des leçons de la crise sanitaire. L'impact a été très différent d'un pays ou d'une région à l'autre. Selon le professeur en gestion de services de santé à la HES de la Suisse italienne Carlo de Pietro, les systèmes sanitaires les plus frappés étaient ceux qui avaient moins de lits en soins intensifs.
La rationalisation du système de soins en fonction de critères économiques peut avoir des conséquences négatives en temps de pandémie.
"Quand la vague épidémique est arrivée, il n'y avait pas plus de lits que le minimum indispensable. Les systèmes espagnol, italien et anglais sont très efficients en ce qui concerne leurs coûts, mais ils n'avaient pas de réserve utilisable", déclare-t-il dans l'émission Tout un monde.
Responsabilité du secteur privé
Le même problème s'est posé pour les masques et les habits de protection pour le personnel soignant. "Cela montre comment une rationalisation du système de soins en fonction de critères économiques très contraignants peut avoir des conséquences négatives en temps de pandémie", affirme Ilona Kickbusch, directrice du programme de santé mondiale au Graduate Institute à Genève.
Pour Luca Fusco, fondateur du comité "Vérité et justice pour les victimes du Covid-19" à Bergame en Italie, les hôpitaux privés sont responsables de cette situation: "Ils font du business de façon totalement autonome, en chirurgie cardiaque, en oncologie, en médecine reconstructive, laissant de côté les secteurs les moins rémunératifs, comme les maladies infectieuses."
Et d'ajouter: "Voilà pourquoi le système de soins public s'est effondré en Lombardie. Parce que durant les vingt dernières années, on a continué à diminuer les fonds alloués au public pour les donner aux hôpitaux privés".
>> Lire aussi : L'Allemagne frappe par le nombre plutôt faible de décès liés au Covid-19
L'Allemagne fait partie des pays qui ont le mieux résisté à l'afflux de patients. Les autorités ont leur mot à dire sur la gestion des établissements privés. Le pays a souvent été critiqué car il avait trop de lits hospitaliers. Mais pendant la crise, l'Allemagne a pu très vite répondre à la demande de lits de soins intensifs.
Tirer des leçons
En Suisse, ce sont les cantons qui ont la main sur la gestion hospitalière. Vaud a pu compter sur une bonne collaboration entre le CHUV et les infrastructures régionales, et n'envisage pas de modifier son dispositif. En revanche, Genève n'a qu'un hôpital public. Le canton veut donc ajouter 60 lits supplémentaires en soins aigus.
"Ceci a évidemment un coût important en termes de ressources. Mais cela coûte finalement moins cher au système et cela permet d'assurer une meilleure prise en charge à l'ensemble de la population. Créer ces lits additionnels, c'est éviter de devoir arrêter nos autres activités en cas de deuxième vague", souligne Arnaud Perrier, directeur médical des HUG.
Reste que la tendance actuelle est de diminuer le nombre de places dans les hôpitaux pour favoriser les soins ambulatoires. Pour le professeur Carlo de Pietro, cela risque de se poursuivre un peu partout dans le monde.
"Le Covid-19 est une vague rapide qui va disparaître. La réduction des lits est un processus lent. Il va continuer, car la technologie permet de faire de plus en plus d'interventions en dehors de l'hôpital", conclut l'expert.
Sujet radio: Francesca Argiroffo
Adaptation web: Anouk Pernet
Le bilan de la crise du coronavirus
L'émission Tout un monde a dédié une série aux leçons de la pandémie pour les systèmes de santé. Le premier épisode (voir ci-dessus) était consacré à l'impact du nombre de lits dans les hôpitaux.
>> Episode 2: La télémédecine
Le nombre de consultations médicales à distance a explosé pendant le confinement. La France enregistrait près d'un million de téléconsultations par semaine. Cette tendance devrait se développer dans les prochaines années.
>> Episode 3: Les personnels soignants après les applaudissements
La crise sanitaire a mis en lumière le rôle essentiel des médecins, infirmiers et infirmières, aides-soignants. Le personnel soignant manque dans toute l'Europe, selon l'OMS. Les Etats cherchent à revaloriser la profession.