Tony Blair s'en va sur un succès: la paix en Ulster. Il aura
aussi profondément modernisé son pays, tout en le divisant sur la
guerre en Irak. Il continuera à siéger en tant que député aux
Communes jusqu'aux prochaines générales, a précisé un responsable
travailliste. Quant à son poste, il devrait être repris par son
ministre des Finances Gordon Brown à Downing Street et à la tête du
parti travailliste. Selon la tradition parlementaire britannique,
c'est le chef du plus important parti à la Chambre des représentant
qui devaient le Premier ministre.
Lors d'un discours très applaudi qu'il a achevé les larmes aux
yeux, Tony Blair a défendu son bilan, affirmant qu'il avait
accompli en dix ans plus de choses qu'aucun autre gouvernement
depuis la IIe Guerre mondiale: «plus d'emplois, moins de chômeurs,
de meilleurs résultats pour la santé et l'éducation, une
criminalité plus faible, et la croissance économique».
Adieu 10, Downing Street...
«J'ai fait ce que je pensais être bon» pour le pays, a-t-il
ajouté. Ce politicien brillant et charismatique, porté au pouvoir
en 1997 par un immense espoir populaire, a admis n'avoir pas
répondu à toutes les attentes. «Les attentes étaient si fortes,
trop fortes probablement, trop fortes d'une certaine manière pour
chacun d'entre nous», a-t-il dit.
Le Premier ministre ne s'est guère appesanti sur ce qui restera la
tache sur son bilan, la guerre en Irak, affirmant que déloger
Saddam Hussein du pouvoir avait été «relativement facile», mais que
la riposte des «terroristes» avait été «féroce». Blair avait choisi
de faire son annonce depuis le village de Trimdon, dans sa
circonscription de Sedgefield (nord-est de l'Angleterre) d'où il
avait lancé le 11 juin 1994 sa campagne pour devenir chef du parti
travailliste. « Il y a de la déception et de la tristesse de voir
partir le Premier ministre après 10 ans », a dit pour sa part John
Burton, son représentant, « Mais il y a aussi de la joie, du
bonheur et de la gratitude pour ce qui a été accompli ».
«Adversaire formidable»
Son successeur probable, Gordon Brown, 56 ans, a rendu hommage
jeudi à ses "réalisations uniques" et à son "leadership unique".
Tony Blair devrait lui apporter son soutien officiel vendredi. Pour
William Hague, l'ancien leader des conservateurs britanniques, le
chef du gouvernement a été "un adversaire formidable". Il a
enchaîné trois mandats successifs, du jamais vu pour un leader du
Labour.
L'annonce de son départ intervient dans la foulée d'un de ses
succès majeurs: la remise en route mardi du gouvernement nord
irlandais, où cohabitent désormais protestants et catholiques. Le
Premier ministre irlandais Bertie Ahern l'a remercié jeudi pour
l'"héritage de paix sans prix" sur l'île d'Irlande. Cependant, cinq
jours plus tôt, le parti de Tony Blair avait subi de sérieux revers
aux élections locales et régionales.
Regard sévère des Britanniques
Alors que la Maison Blanche a salué jeudi un "dirigeant
extraordinaire" et un "ami", les Britanniques jugent sévèrement les
années Blair, selon de récents sondages. Ils ne lui pardonnent pas
la guerre en Irak, où sont morts quelque 150 soldats britanniques,
et Tony Blair est également jugé sévèrement pour sa politique
étrangère marquée par un alignement sans faille sur les Etats-Unis.
Selon un sondage publié jeudi par le "Guardian", 60 % des électeurs
pensent que le Premier ministre devrait laisser l'image d'une force
de changement, même si ce changement n'a pas toujours été
positif.
Quel avenir pour Tony Blair?
Tony Blair quittera ses fonctions dès la fin juin ou au début
juillet, tout dépendant de la rapidité avec laquelle les
travaillistes vont élire son successeur. D'ici là, il a prévu
plusieurs voyages à l'étranger, avec un premier arrêt vendredi à
Paris pour y discuter avec le président élu Nicolas Sarkozy. Il
pourrait également se rendre à Washington, et a prévu d'assister en
juin au sommet du G8 en Allemagne, puis au sommet européen à
Bruxelles.
Tony Blair n'a encore rien dit de son avenir après Downing Street.
La presse britannique affirme qu'il pourrait se consacrer à une
Fondation Blair, devenir ambassadeur itinérant en Afrique, voire au
Proche-Orient, ou encore président de l'Union européenne. A moins
qu'il n'écrive ses mémoires, qui pourraient lui rapporter des
millions. Excellent orateur, il est assuré de gagner une fortune
s'il se lance dans le circuit international des discours et
conférences.
agences/hof/bri
Portrait d'un fonceur
Charmeur hyper-actif, député à 30 ans, Anthony Charles Lynton Blair est né le 6 mai 1953 à Edimbourg dans une famille bourgeoise et avocat de formation.
Il est arrivé à la tête du parti travailliste en 1994, après le décès soudain du leader John Smith.
Le 2 mai 1997, il avait été porté au pouvoir par un raz-de-marée, devenant à 43 ans le plus jeune Premier ministre britannique depuis 1812.
Brillant, charismatique, excellent orateur, Tony Blair a été l'homme des réformes et du renouveau du parti travailliste, mais a aussi vu son bilan terni par l'Irak.
Il s'apprête à partir fâché avec la majorité de l'opinion publique, son parti étant quasi condamné à perdre les prochaines élections en 2009 ou 2010.
Tony Blair reste néanmoins persuadé d'avoir fait ce qui était "bien" pour son pays.
Et il se dit également persuadé que le "blairisme" résistera à l'épreuve du temps.
Les différentes réactions
Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso : Tony Blair a "laisse un héritage impressionnant, y compris son engagement envers l'élargissement, la politique énergétique, sa promotion de la lutte contre le changement climatique et en faveur de la lutte contre la pauvreté en Afrique."
Le Premier ministre irlandais Bertie Ahern: "Tony Blair quitte ses fonctions avec une place d'honneur assurée dans notre histoire. Dès ses premiers jours comme Premier ministre, il a consacré un temps et une attention sans équivalent pour faire cesser cet horrible conflit en Irlande du Nord."
La présidente finlandaise Tarja Halonen: Blair a été "un dirigeant européen important, un innovateur pour la dernière décennie".