A cette époque de l'année, quatre mois avant la présidentielle, Joe Biden aurait dû sillonner les Etats et aligner les meetings pour convaincre l'électorat américain de le choisir pour remplacer Donald Trump à la présidence.
Mais le Covid-19 a bouleversé la donne et Joe Biden, qui deviendra le candidat officiel de son parti lors de la Convention démocrate à la mi-août, doit organiser sa campagne depuis Wilmington, une ville de 100'000 habitants située dans le Delaware, à mi-chemin entre Washington et New York.
Des premiers pas en politique à Wilmington
C'est à Wilmington que Joe Biden a appris à faire de la politique. "Ici, les politiciens, les gens de bords politiques différents, s’assoient à la même table et travaillent à trouver des solutions ensemble. C'est ce qui caractérise le Delaware", explique Cassandra Marshall, présidente du Parti démocrate de Wilmington, interrogée dans La Matinale.
Le Delaware est également connu pour être un paradis fiscal, avec de faibles taxes et des lois favorables aux entreprises. Il y aurait dans cet Etat minuscule plus de sociétés enregistrées que d'habitants.
Et c'est là que Joe Biden a été élu sénateur pour la première fois en 1972. Il a été aisément réélu à six reprises à la Chambre haute, avant de devoir la quitter pour rejoindre la vice-présidence de Barack Obama en 2008. Après son départ de la Maison Blanche en 2017, il est retourné à Wilmington, dans un villa cachée dans un bosquet, à l'écart de la ville.
"Le moment est venu pour Biden"
En portant le petit Etat méconnu vers les hautes sphères de Washington, Joe Biden a marqué la ville de Wilmington de son empreinte. Beaucoup l'ont déjà rencontré et beaucoup l'appellent simplement "Joe". L'ex-vice-président y est bien connu et il n'est pas rare de le rencontrer à l'église ou en train de faire ses courses.
Et chacun raconte sa petite histoire à son propos. Chez Augusto, il était fréquent de voir la famille Biden venir consommer oeufs brouillés, lard grillé et café. "Joe Biden a toujours été aimable, très courtois. Des gens très bien", confie le patron du café.
Et c'est tout naturellement qu'une bonne partie de la ville voit déjà son représentant accéder à la Maison Blanche. "Je pense que le moment est venu pour Biden, et pour le pays. Pour qu'il puisse ramener notre pays à la place qui était la sienne sur la scène internationale", estime Cassandra Marshall.
James, agent municipal, se rappelle lui avoir vu Joe Biden pour la première fois au lycée. "Un gars bien, Joe, qui peut faire changer les choses", assure-t-il.
Des doutes pour l'ex-ministre de "House of Cards"
D'autres confient avoir de gros doutes sur la candidature de l'ancien vice-président, aujourd'hui âgé de 77 ans. Et l'un d'eux s'y connaît en jeux d'intérêts et magouilles pour accéder au pouvoir: Lee Murphy est en effet bien connu pour avoir interprété le Secrétaire à la Défense dans la série à succès "House of Cards".
Revenu à la politique, la vraie, il est maintenant candidat républicain du Delaware pour le Congrès.
Et Lee Murphy exprime sa méfiance à l'égard de Joe Biden: "Les temps changent, on est en 2020 et Biden n'est plus le Biden que je connaissais il y a 20 ans." Avant d'ajouter qu'il est selon lui fatigué, diminué, plus vraiment en bonne santé. Pour le républicain, l'ancien numéro deux de la Maison Blanche est "désormais influencé par la gauche radicale, contrôlé par les extrémistes de son parti".
Un discours solitaire avant un abandon des meetings
Cette semaine, Joe Biden a effectué une rare apparition publique, dans un lycée de Wilmington, mais la salle était quasiment vide. Il y avait plus d’agents de sécurité que de journalistes, triés sur le volet, ce qui lui a attiré les moqueries de Donald Trump sur Twitter.
Le candidat démocrate a déclaré qu'il suivrait "les consignes du docteur" et qu'il n'organiserait pas de meetings électoraux à cause de la pandémie de Covid-19, contrairement à son rival Donald Trump.
"J'ai voyagé et quand je le fais, je présente mes arguments, je prends des questions et je pars. Mais vous me connaissez, je préférerais de loin être sur le terrain avec les gens parce que c'est là que je sens le mieux les choses", a-t-il déploré durant son discours. Discours que Joe Biden a lu devant une caméra avant de retourner dans sa maison pour continuer cette étrange campagne.
Reportage radio et photos: Raphaël Grand
Adaptation web: Frédéric Boillat