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"Il a fallu que l'Ocean Viking appelle à l'aide pour que les Etats répondent"

Trois questions à Caroline Abu Sa'Da, directrice de SOS Méditerranée. [RTS - DR]
Trois questions à Caroline Abu Sa'Da, directrice de SOS Méditerranée / L'actu en vidéo / 4 min. / le 6 juillet 2020
Les 180 migrants secourus par l'Ocean Viking ont pu débarquer tard lundi soir en Sicile, onze jours après les premiers sauvetages. La fin d'un épisode compliqué pour SOS Méditerranée, qui appelle à une meilleure coordination politique.

Après une traversée mouvementée depuis les côtes nord-africaines, 180 personnes secourues en Méditerranée par l'Ocean Viking ont commencé lundi soir à débarquer en Sicile. En file indienne, masque chirurgical sur le visage et portant leurs maigres affaires dans un sac à dos qui leur avait été donné à leur arrivée sur le navire humanitaire, les migrants, pour l'essentiel des Bangladais, Pakistanais, Nord-Africains ou Erythréens ayant fui la Libye, ont commencé à quitter le bateau ambulance vers 23h40. Les migrants testés négatifs au coronavirus dimanche par une équipe médicale italienne ont été les premiers évacués.

Tous vont être désormais placés en quarantaine pendant au moins deux semaines sur le ferry Moby Zaza. La maire de Porto Empedocle, leur port de débarquement, réclame pour sa part l'envoi de l'armée pour "protéger les citoyens".

Tension extrême

La situation était particulièrement tendue à bord de l'Ocean Viking depuis la semaine passée. Le capitaine a même déclaré "l'état d'urgence" pour envoyer un signal aux autorités européennes qui tardaient à réagir. Outre six tentatives de suicide, des bagarres ont éclaté en fin de semaine entre les rescapés dont plusieurs se trouvaient dans un état de santé physique et psychique grave, certains ayant dérivé parfois jusqu'à six jours en mer avant d'être sauvés par le bateau humanitaire de SOS Méditerranée.

"Il a fallu qu'on appelle littéralement à l'aide pour que les Etats répondent. C'est tragique", estime Caroline Abu Sa'Da, la directrice de l'association, interrogée lundi par la RTS. Pour elle, les tensions qui se sont déclarées sur l'Ocean Viking doivent beaucoup au dispositif sanitaire strict mis en place en raison de la pandémie de coronavirus. "Toutes les mesures anti-Covid font que le pont est beaucoup plus séquencé, qu'il y a un sas entre l'intérieur et l'extérieur du bateau, que les sauveteurs sont avec les masques, les visières, ces combinaisons qui sont assez impressionnantes quand on arrive dans une situation dramatique", relève la Genevoise à la solide expérience dans l'humanitaire.

On repartira, c'est sûr, notre place c'est d'être en mer

Caroline Abu Sa'Da, directrice SOS Méditerranée

"On a eu le même problème au moment d'Ebola, où il était extrêmement difficile pour les populations de comprendre les mesures de protection qui étaient mises en place", observe-t-elle encore. "C'est le genre de situation qui nécessitent que l'on passe énormément de temps à dialoguer et expliquer."

Sept demandes vaines

Malgré leur patience et leurs efforts, les 25 membres de l'équipage de l'Ocean Viking, pourtant rompus à l'exercice lors de missions précédentes sur l'Aquarius ou l'Ocean Viking ont eu du mal à contenir les rescapés qui craignaient d'être renvoyés en Libye. Sept demandes ont été faites à l'Italie et à Malte entre les premiers sauvetages le 25 juin et la réponse italienne qui a d'abord consisté à envoyer un psychiatre et un médiateur culturel à bord pour constater la situation.

"Puisque le problème n'est pas le débarquement, mais la répartition des gens après, il faudrait que cette répartition soit déjà faite au préalable et que la séquence sauvetage-débarquement soit la plus courte possible", appelle Caroline Abu Sa'Da, qui souligne que certains Etats avaient déjà recommencé des discussions en ce sens ces dernières semaines.

Après un temps de latence pour analyser les événements et ce qui aurait pu être fait différemment, l'Ocean Viking reprendra la mer, annonce d'ores et déjà la directrice de SOS Méditerranée. Car, rappelle-t-elle, au large de la Libye, la tragédie continue.

Juliette Galeazzi

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