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Liban: le conflit s'étend au sud du pays

Le camp de Nahr el-Bared désormais sous contrôle de l'armée
L'offensive de l'armée libanaise continue à Nahr el-Bared au nord
Des islamistes ont ouvert un nouveau front dans le camp de réfugiés palestiniens de Aïn Héloué, au Liban sud, tuant deux soldats. L'armée poursuit son offensive contre le Fatah al-Islam retranché à Nahr al-Bared, dans le nord.

Deux soldats libanais et deux islamistes du groupuscule Jound
al-Cham ont été tués dans la nuit de dimanche à lundi dans des
combats à l'entrée du camp d'Aïn Héloué, dans la banlieue de Saïda.
L'armée avait envoyé des renforts dans ce secteur dès le début des
affrontements dimanche.

Presse inquiète

Ces nouveaux combats dans le sud, qui ont cessé lundi à l'aube,
ont éclaté alors que l'armée est engagée depuis 16 jours, dans le
nord du Liban, dans des combats avec un autre groupe islamiste, le
Fatah al-Islam, autour du camp palestinien de Nahr al-Bared.



La situation à Nahr al-Bared semblait cependant plus calme lundi,
à l'exception de tirs sporadiques.



La presse libanaise s'inquiétait de l'extension des violences au
Liban sud, alors que les combats dans le nord et le sud ont tué au
total 107 personnes depuis le 20 mai. Ce bilan est le plus lourd
dans des affrontements internes depuis la fin de la guerre civile
libanaise en 1990. "Le Jound al-Cham ouvre un nouveau front contre
l'armée pour soutenir le Fatah al-Islam", titrait le quotidien
d'opposition As-Safir.

Familles en fuite

La ville sunnite de Saïda, à 40 km au sud de Beyrouth, était
lundi sous le choc des affrontements de la nuit et de nombreux
établissements scolaires et commerces sont restés fermés. Des
dizaines de familles palestiniennes fuyant les combats se sont
réfugiées au siège de la municipalité.



La police du Fatah, le mouvement du président palestinien Mahmoud
Abbas, s'est déployée le matin à l'entrée d'Aïn Héloué, ce qui a
permis un retour au calme.

Déjà des combats dimanche

A la faveur de conditions de vie misérables, des groupes
islamistes extrémistes se sont installés ces dernières années dans
certains camps palestiniens du Liban, en particulier Nahr al-Bared
et Aïn Héloué, le plus peuplé avec 45'000 habitants (lire
ci-contre).



Ces camps, au nombre de 12, sont en principe contrôlés par les
formations politico-militaires palestiniennes, en particulier le
Fatah, puisqu'un accord tacite avec les autorités libanaises exclut
la présence de l'armée à l'intérieur des camps.



Le Jound al-Cham, un groupuscule sunnite d'une cinquantaine
d'hommes, s'est ainsi installé en bordure du camp d'Aïn Héloué, où
des incidents se sont déjà produits entre ses hommes et ceux du
Fatah. Dimanche, des combats avaient éclaté par une attaque du
Jound al-Cham contre une position de l'armée à l'entrée nord du
camp.

Formation encore peu connue

La composition de ce groupe sans hiérarchie est peu connue. Il
comprend outre des Palestiniens, des islamistes libanais réfugiés à
Aïn Héloué et poursuivis par la justice pour avoir participé à des
combats contre l'armée libanaise dans le nord du Liban, qui avaient
fait 45 tués en 2000.



A Nahr al-Bared, un commando spécial de l'armée composé de plus de
mille hommes, appuyé par des chars et de l'artillerie, poursuivait
lundi son offensive pour contraindre le Fatah al-Islam à la
reddition. La situation y paraissait plus calme bien qu'aucune
solution ne soit en vue, une médiation palestinienne entreprise la
semaine dernière étant restée sans résultat.

Seule issue: "la reddition"

Le Premier ministre Fouad Siniora a affirmé ce week-end que la
seule issue était la "reddition" des hommes armés. Mais le Fatah
al-Islam assure qu'il se battra "jusqu'à la dernière goutte de
sang".



Quelque 5000 civils se trouveraient toujours à Nahr al-Bared,
selon l'agence des Nations unies pour l'aide aux réfugiés
palestiniens (Unrwa).



Selon Abou Imad Alwani, chef militaire du Fatah à Nahr al-Bared,
les réfugiés sont désormais cantonnés "dans la partie sud du camp",
où les hommes du Fatah ont édifié des fortifications de sable "pour
empêcher que les islamistes ne s'infiltrent dans la population
civile".

Nouvel attentat

Enfin, au moins sept personnes ont par ailleurs été blessées
lundi soir dans une explosion visant un bus dans un quartier
chrétien de la banlieue Est de Beyrouth. Il s'agit du quatrième
attentat à la bombe en mois d'un mois dans la capitale
libanaise.



afp/tac

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Ilots de non droit

Les camps de réfugiés palestiniens de Nahr al-Bared et Aïn Héloué échappent comme les dix autres camps du pays au contrôle des autorités.

Selon l'ONU, environ 400'000 Palestiniens vivent au Liban, dont la moitié s'entassent, dans des conditions misérables, dans les 12 camps devenus au fil des années de véritables villes bâties en dur. Ils s'étaient installés au Liban après la création en 1948 de l'Etat d'Israël.

Ces chiffres ne prennent pas en compte une vague d'émigration massive à partir des années 80 et seulement 200'000 réfugiés vivraient aujourd'hui au Liban.

La survie des réfugiés repose pour l'essentiel sur l'aide fournie par l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), qui a cependant réduit ses budgets au fil des années, sur les versements irréguliers de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et l'aide des islamistes du Hamas.

Dans un contexte de misère sociale -60 % de leurs habitants vivent sous le seuil de pauvreté et les réfugiés sont exclus au Liban d'une liste de 70 métiers- les camps, dédales de ruelles insalubres et de constructions anarchiques, sont devenus un terrain fertile pour l'extrémisme islamiste.

Officiellement, ils sont contrôlés par les formations politico-militaires palestiniennes, en particulier le Fatah. Mais depuis quelques années, des groupuscules salafistes accusés d'être liés à Al-Qaïda et aux services de renseignement syriens se sont infiltrés dans les camps.

Aïn Héloué, près de Saïda, est le plus peuplé de ces camps, avec 45'000 réfugiés. Fin 2006, environ 150 combattants islamistes d'un autre groupuscule, le Fatah al-Islam, s'étaient installés à Nahr al-Bared (31'000 réfugiés), près de la frontière syrienne.

Les camps palestiniens, jusque là surveillés par des postes de police, étaient passés à partir de 1968 sous le contrôle de la guérilla palestinienne. En 1969, l'accord du Caire avait fait de l'OLP "un Etat dans l'Etat", notamment en interdisant à l'armée libanaise l'entrée dans les camps.

Cet accord a été abrogé en 1987, mais reste tacitement appliqué. Les soldats libanais ne sont donc présents qu'en bordure des camps, qui échappent de ce fait au contrôle de l'Etat.