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Nouvelle expertise médicale ordonnée dans l'affaire Adama Traoré en France

Suite au regain de tension lié au mouvement Black Lives Matter, la justice française a ordonné une nouvelle expertise médicale dans l'affaire Adama Traoré. [AFP - Philippe Labrosse/Hans Lucas]
Nouvelle expertise médicale ordonnée dans l'affaire Adama Traoré en France / Le Journal horaire / 31 sec. / le 10 juillet 2020
Les juges d'instruction chargés de l'affaire Adama Traoré, mort en 2016 après son interpellation par des gendarmes, ont ordonné une nouvelle expertise médicale, qui sera confiée à des médecins belges.

Le 19 juillet 2016, Adama Traoré, 24 ans, est décédé dans une caserne du Val d'Oise près de deux heures après son arrestation par des gendarmes, après avoir échappé à une première interpellation.

L'affaire, remise sur le devant de la scène après la mort de George Floyd aux États-Unis et le regain de colère du mouvement Black Lives Matter à l'internationale, est devenue au fil du temps un symbole des violences policières systémiques en France.

Suite à l'audition par les juges d'instruction le 2 juillet du témoin chez qui Adama Traoré s'était réfugié, les magistrats ont annoncé vendredi, dans une ordonnance de justice, deux nouveaux axes d'enquête: premièrement, la recherche de nouveaux témoins, après qu'une femme entendue par les juges a laissé entendre qu'il existerait d'autres personnes qui auraient pu assister à la première arrestation.

Le second axe d'enquête contenu vendredi dans l'ordonnance est la tenue d'une nouvelle expertise médicale, attendue pour janvier 2021 et confiée à des médecins belges.

Rapports médicaux contradictoires

Vendredi, les avocats des gendarmes auteurs de l'interpellation ont indiqué dans un communiqué que leurs clients se félicitaient "de la teneur" de la nouvelle mission d'expertise, saluant l'évocation parmi les questions adressées aux médecins belges de "l'hypothèse de l'hyperthermie maligne".

L'hyperthermie maligne d'effort se produit au cours ou juste après un exercice physique intense et prolongé, et se caractérise par une altération de la conscience et une hyperthermie sévère. Or, les avocats de la défense présentent de longue date cette hypothèse comme la cause principale de la mort d'Adama Traoré, en se référant notamment à sa température (39,2°C) mesurée deux heures après son décès, ainsi qu'aux propos du témoin chez qui il s'est réfugié.

L'avocat de la famille Traoré avait quant à lui affirmé que ce témoin s'était au contraire "rétracté". Il défend les deux rapports médicaux réalisés à sa demande "par des vrais spécialistes des pathologies en cause et qui indiquent clairement que le décès a été causé par le plaquage ventral des gendarmes". Les médecins belges sont également interrogés sur cette hypothèse.

Ce dossier a viré sur le plan judiciaire à une bataille de médecins, après une première clôture fin 2018. Les deux autopsies et les quatre expertises missionnées par la justice ont jusqu'ici mis en avant des antécédents médicaux - notamment cardiaques et génétiques - pour expliquer ce décès, dédouanant ainsi le plaquage ventral, que les gendarmes contestent avoir utilisé. En face, les deux rapports successifs de quatre médecins choisis par la famille ont balayé ces conclusions et mis en cause les forces de l'ordre.

Opacité et lenteur de l'enquête

De nombreuses voix s'interrogent quant à la manière dont l'instruction est menée, alors que deux témoins-clés n'avaient toujours pas été entendus par les juges d'instruction près de quatre ans après les faits, malgré les demandes de l'avocat de la famille ou du Défenseur des droits. Ce dernier a également signalé un manque de transparence et des difficultés à obtenir communication de pièces importantes du dossier.

Par ailleurs, un troisième témoin-clé, l'homme intervenu pour libérer Adama Traoré après sa première interpellation n'a toujours pas été identifié.

jop avec afp

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Rappel des faits

Le 19 juillet 2016 vers 17h, Adama Traoré et son frère Bagui sont interpellés à Beaumont-sur-Oise par trois gendarmes en civil. Bagui Traoré est alors visé par une enquête pour "extorsion de fonds avec violences". Les gendarmes les avertissent qu'il s'agit d'un contrôle d'identité.

Alors que son frère, visé par l'enquête, reste sur place, "calme", selon le récit des gendarmes, Adama, s'enfuit en courant "parce qu'il n’avait pas ses papiers sur lui", selon sa famille. Les gendarmes considèrent eux qu'il s'est enfui craignant d'être interrogé sur les 1300 euros en liquide et le sachet de cannabis, trouvés par la suite sur son corps.

Selon un avocat de sa famille, Adama était déjà connu des gendarmes pour de petits délits et avait fait de la prison en 2015 et 2016.

Selon les déclarations des gendarmes, deux d'entre eux se lancent à la poursuite d'Adama Traoré. Il est rattrapé et menotté, mais parvient à s'enfuir suite à l'intervention d'une autre personne. Aussitôt, un appel radio est passé pour retrouver le fugitif, qui est retrouvé au domicile d'un ami.

Adama Traoré est alors, selon le récit du témoin et des policiers, "enroulé dans un drap, par terre". Les policiers l'interpellent à trois. Adama Traoré les aurait alors prévenus qu'il "avait du mal à respirer", et il n’opposait pas de résistance, selon les déclarations des gendarmes. Il est alors emmené et placé en garde à vue.

À 17h46, les pompiers sont appelés suite à un malaise. Ils trouvent Adama Traoré encore menotté, dans un état critique, et appellent le Samu dans les minutes qui suivent. Après plusieurs tentatives de réanimation, qui durent environ une heure, Adama Traoré est déclaré mort à 19h52.