La Cour de justice de l'UE (CJUE) estime dans son arrêt que le "Privacy Shield" rend "possible des ingérences dans les droits fondamentaux des personnes dont les données sont transférées" vers les Etats-Unis, car les autorités publiques américaines peuvent y avoir accès, sans que cela ne soit limité "au strict nécessaire".
La CJUE a en revanche jugé valide un autre mécanisme permettant le transfert de données de l'UE vers le reste du monde: les "clauses contractuelles type", un modèle de contrat défini par la Commission européenne, que toute entreprise peut utiliser pour exporter ses données, par exemple vers une filiale, sa maison mère ou un tiers.
Décision anticipée à Bruxelles
Les entreprises touchées par la décision sur le "Privacy Shield" devraient se reporter sur ce mécanisme. Le commissaire européen à la Justice Didier Reynders avait assuré avant la décision que la Commission avait déjà anticipé plusieurs "scénarios".
"En fonction du contenu de la décision, on verra quels sont les outils - déjà préparés - à utiliser pour à la fois conforter les droits fondamentaux et vérifier que la protection donnée par l'UE voyage avec les données", avait-il expliqué. "L'ambition est de réagir ensemble (...) du côté européen comme du côté américain", avait-il assuré.
La victoire de David contre Goliath
Cette décision a été accueillie comme une victoire par le juriste autrichien Max Schrems, figure de la lutte pour la protection des données, qui était à l'origine de l'affaire via une plainte contre Facebook.
"Après une première lecture du jugement sur le 'Privacy Shield', il semble que nous ayons gagné à 100% - pour notre vie privée", écrit sur Twitter celui qui s'était fait connaître en faisant déjà annuler en 2015 un accord similaire entre l'UE et les Etats-Unis.
afp/oang
Réactions de Washington et du lobby de la tech
Les Etats-Unis se sont dis "profondément déçus" jeudi par la décision de la justice européenne invalidant un mécanisme crucial permettant le transfert de données personnelles entre l'Union européenne et les Etats-Unis, dans un communiqué du ministère du Commerce.
Washington continuera à travailler avec la commission européenne, et étudie la décision de justice en détail pour en comprendre tous les effets concrets, a affirmé le secrétaire américain au Commerce Wilbur Ross.
"Cette décision crée une incertitude juridique pour les milliers de petites et grandes entreprises des deux côtés de l'Atlantique qui comptent sur le 'Privacy Shield' pour leurs transferts quotidiens de données commerciales", a réagi de son côté Alexandre Roure, du lobby des géants de la tech CCIA à Bruxelles.
"Nous espérons que les décideurs européens et américains élaboreront rapidement une solution durable, conforme au droit européen, pour garantir la poursuite des flux de données", a-t-il ajouté.
Facebook a dit de son côté étudier les conséquences du jugement de la CJUE.
"Mine d'or" de l'économie numérique
Les données personnelles concernées (comportement en ligne, géolocalisation...) constituent "la mine d'or" de l'économie numérique, en particulier pour les géants comme Google, Facebook ou Amazon.
Mais une entreprise qui transfère des données d'un pays à l'autre entre ses filiales, par exemple pour gérer la paie de ses employés, est aussi concernée.
L'invalidation du "Privacy Shield" constitue un nouveau désaveu pour Bruxelles après l'annulation mercredi de sa décision exigeant d'Apple le remboursement de 13 milliards d'euros, jusqu'alors considérés comme des avantages fiscaux indus.