Dans un clip de promotion pour la réouverture de Disneyland Paris le 15 juillet dernier, ce n’est pas une princesse qui interprète la célèbre chanson "Un jour mon Prince viendra", mais un homme. En France toujours, Tinder propose de choisir entre neuf orientations sexuelles différentes. Facebook, lui, offre même des dizaines d'identités possibles.
Une réponse à d'autres acteurs des médias
Le pas franchi par Disney est une avancée, estime le sociologue Sébastien Chauvin, directeur du Centre en études genres à l’Université de Lausanne (Unil), vendredi dans La Matinale. "Même si c'est pour faire du profit", rajoute-t-il immédiatement. "C'est aussi une réponse à d'autres acteurs des médias, notamment Netflix, qui donnent une plus grande place à la diversité sexuelle et de genre. La nouvelle, c'est que ça marche et que c'est ça qui fait faire du profit".
Le sociologue met tout de même un bémol à cette avancée: "On pourrait répondre que ce n'est pas complètement un progrès de simplement remplacer une fille par un garçon dans la place de récepteur passif de l'initiative masculine. Du point de vue féministe, on pourrait réclamer de changer l'histoire. Quand même, malgré tout, c'est à la fois subversif et conservateur, mais c'est une bonne nouvelle".
L'inéluctable multiplication des identités
Face à ceux qui pourraient craindre une génération genrée ou programmée d'une autre manière, Sébastien Chauvin répond qu'on ne peut jamais sortir de normes, mais on peut les changer: "Et en l'occurrence, la banalisation de ces identités, la déstigmatisation, loin de simplement réduire tout à un seul modèle, pour moi cela va plutôt multiplier les types d'identités, la diversité associée à des identités données".
Il y a une vingtaine d'années, rappelle ce spécialiste, "on voyait des séries dans lesquelles il y a avait des personnages relativement stéréotypés, il y avait une seule représentation possible des identités. Là, avec la déstigmatisation, la banalisation, on a une diversification de représentations associée à certaines identités".
Ou va-t-on s'arrêter?
Après la dualité hétérosexuels-homosexuels, les genres se sont multipliés. On a parlé ensuite de communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) et on parle désormais des LGBTQIA+ (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers, intersexes et asexuels).
Cela semble très compliqué, voire exagéré pour certains. Mais "cela correspond à plein d'identités liées à l'orientation sexuelle, à l'identité de genre, au rapport entre le corps et le genre, entre les intersexes qui ont des conformations de sexe qui n'entrent pas dans le binarisme de genre, ou des personnes qui vont se dire queers et qui vont rejeter les catégories trop figées comme lesbiennes ou gays, des personnes qui vont se dire 'questionning', qui se posent des questions, qui ne veulent pas encore s'identifier", explicite le directeur du Centre en études genres à l’Unil.
"Evidemment, cela rajoute beaucoup de catégories, cela pose même des questions de frontières entre les différentes catégories", reconnaît-il. "Mais ça ouvre aussi la palette d'identifications possibles". Et si on lui parle de phénomène de mode, Sébastien Chauvin rétorque que "ce n'est ni aux études genre, ni aux sociologues, ni même aux journalistes, de dire aux gens comment ils doivent s'identifier".
Les années à venir nous donneront la réponse
Il imagine cependant qu'avec l'élargissement de la palette des identifications offertes notamment aux nouvelles générations, cette diversification va un peu changer aussi le rapport à l'identité. "Quand on a 80-90 identités possibles comme sur Facebook, évidemment, peut-être que le sens du verbe 'être' change un petit peu", souligne-t-il. "On s'identifie aussi de manière plus consciente. Ce sont les années à venir qui nous donneront la réponse".
Propos recueillis par Valérie Hauert/oang