"Mourning in America", soit "Deuil en Amérique"… diffusée début mai c'est l'une des vidéos les plus dévastatrices pour Donald Trump. Visionnée plus de trois millions de fois, elle a eu pour effet un afflux de dons sans précédent contre la campagne du président.
Des images grises montrant des malades du coronavirus emmenés sur des brancards, des Américains désœuvrés dans des files d'attente, sans emploi. La faute à Donald Trump qui a minimisé la crise, affirme le commentaire: "Sous la direction de Donald Trump notre pays est plus faible, plus malade et appauvri. Et maintenant, les Américains se posent la question: si nous avons quatre années supplémentaires comme cela, l'Amérique existera-t-elle encore vraiment?"
Cela pourrait être la dernière vidéo anti-Trump de farouches opposants démocrates. Elle est pourtant l'œuvre d'un petit groupe de Républicains; ils ont fondé le Lincoln Project. Pour eux, Donald Trump est un "danger immédiat pour la Constitution et la République".
Dénoncer des "atteintes à la démocratie"
Les rapports du président avec l'extrême droite, avec la Russie, ses propos virulents contre la presse, contre les juges, sont autant d'atteintes à la démocratie, comme l'expliquait Mike Madrid, ex-ténor du parti républicain de Californie, lors du lancement du Projet: "Nous savons que beaucoup d'entre vous – des millions d'entre vous – ne se sentent pas à l'aise avec ce que nous voyons chaque jour, se demandant ce que notre parti est devenu. Comme vous, nous savons que ce à quoi nous assistons n'est pas normal, ce n'est pas bien, ce n'est pas ce que nous sommes!"
C'est en décembre dernier que ce comité d'action politique a vu le jour, alors que le président était en pleine procédure de destitution.
Rare voix discordante au sein du parti républicain, le groupe se donnait onze mois pour accomplir sa mission: mener Donald Trump à la défaite dans les urnes en faisant campagne avant tout sur les réseaux sociaux.
Et la capacité de réaction du Lincoln Project sur internet est impressionnante: un tweet de Donald Trump peut entraîner une riposte en images dans les cinq minutes… comme cette vidéo reprenant des discours contradictoires du président sur la pandémie:
Les ex-hommes du président
Parmi les fondateurs, le célèbre avocat new-yorkais George Conway, électeur enthousiaste de Donald Trump passé dans le camp de la détestation. Détail croustillant, sa femme Kellyanne est la conseillère spéciale du président Trump.
Les autres membres sont pour la plupart des "Never Trumper", ces républicains qui avaient appelé à ne surtout pas voter pour Donald Trump en 2016. Parmi eux, d'anciens cadres du parti qui ont notamment servi sous les présidents Bush, père et fils.
Et ils n'ont pas hésité à franchir le cap: ces conservateurs qui n'avaient jamais voté démocrate appellent désormais à élire Joe Biden le 3 novembre, l'homme qui pourra "restaurer la dignité à la Maison Blanche":
Un électorat qui se divise
Cette publicité de campagne est diffusée dans les Etats clef du Wisconsin, du Michigan et en Pennsylvanie, où les électeurs indépendants pourront faire la différence. Et, pour l'instant, le candidat démocrate est en très bonne posture dans les sondages où il devance très largement le président actuel.
Un signe que l'électorat républicain est en train de se diviser selon Rick Wilson l'un des animateurs du Lincoln Project: "Nous sommes convaincus que Donald Trump est une menace pour l'avenir de ce pays et qu'il fallait une opposition de droite, pas seulement de gauche. Donald Trump a réussi à garder une base de militants qui lui sont acquis, mais cette base est en train de se rétrécir autour de 25 à 28%. Mais il a perdu beaucoup d'électrices, beaucoup d'électeurs diplômés, et nous sommes convaincus que les électeurs vont continuer à se détourner de lui".
Le groupe a dépensé quatre millions de dollars, une somme infime comparé aux grosses organisations. Mais avec leur plus de 1,6 million d'abonnés sur Twitter et leur capacité de riposte rapide, ces militants anti-Trump ont désormais une audience bien plus large.
Auront-ils seulement prêché à des convaincus? Peut-être réussiront-ils à convertir des indépendants et des conservateurs encore indécis d'ici novembre.
Sujet radio: Pauline Simonet
Adaptation web: Stéphanie Jaquet