Le 5 août 2010, après un éboulement, trente-trois mineurs restaient enfermés 600 mètres sous terre. Sous les caméras du monde entier, il aura fallu 69 jours pour réussir à les sortir de cette mine de cuivre.
Sécurité des mineurs chiliens
Cette affaire aura mis en lumière les conditions de travail dans les mines. Depuis, les contrôles ont augmenté; quelque 10'000 inspections en 2019 contre 2400 en 2010, affirme le gouvernement.
Si le nombre d'accidents mortels a globalement baissé chez le premier producteur mondial de cuivre, la situation reste mauvaise, explique Manuel Ahumada, président de la confédération des travailleurs sous-traitants des mines de cuivre :
"En l'espace de 10 ans, plusieurs centaines de mineurs sont morts dans des accidents de travail. Sans compter que près de 70% des mineurs sont employés par des sous-traitants, et les grandes entreprises se servent de ce statut pour s'exonérer de leurs responsabilités concernant la sécurité et la santé des travailleurs."
Il appelle le Chili à ratifier la convention de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) sur les conditions de travail dans les mines.
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Pas protégés contre le coronavirus
Manuel Ahumada estime que le secteur minier, qui n'a jamais cessé de fonctionner depuis le début de la crise sanitaire du coronavirus, n'a pas pris des mesures suffisantes ni assez tôt pour éviter la contagion dans les mines.
D'après le ministère chilien des mines, pas loin de 5000 employés du secteur ont contracté le virus depuis le mois de mars. Et parmi eux, les syndicats recensent au moins 15 morts liés au Covid-19.
Les "33" divisés à leur sortie
Mais qu'est-il advenu des trente-trois mineurs, alors applaudis comme des héros? Au moment de l'éboulement, ces hommes alors âgés de 19 à 63 ans se connaissaient à peine. Sous terre, ils ont dû s'organiser pour survivre, apprendre la discipline, rationner les rares denrées alimentaires qui se trouvaient dans le refuge.
Deux cuillères de thon en boîte, une demi-verre de lait toutes les 48 heures pendant les 17 premiers jours où ils ont survécu dans la pénombre, par une humidité extrême et des températures de 32 à 35 degrés, résignés au pire.
"Une des choses qui nous a le plus aidés c'est l'humour. Même dans les pires moments on a rigolé. On a passé un super moment sous terre. On chantait, on rêvait, on prenait des décisions démocratiques et personne n'a voulu faire le malin", se souvient Mario Sepulveda.
Hors de la mine, la cohésion n'a pas tenu. "Les familles ont provoqué toutes ces divisions entre nous. Il y a eu un avant, un pendant et un après. Dès qu'on est sortis, c'est devenu chacun pour soi", poursuit-il.
Stars ou anonymes
Certains sont restés dans la lumière, écumant les plateaux télévisés, accordant des interviews grassement payées ou multipliant les conférences rémunérées. Une notoriété qui a créé des jalousies quand d'autres sont demeurés dans l'ombre.
La vente des droits de leur épopée a creusé le fossé. Quelques semaines après avoir été secourus, le 13 octobre 2010, les 33 mineurs avaient signé un accord pour céder les droits sur leur histoire en vue d'un film et d'un livre. Conseillés par des avocats, ils avaient alors formé une structure juridique complexe. Mais certains des mineurs se considèrent floués.
"La stratégie des avocats a été de nous diviser et ils ont réussi. Ils nous ont poussés à nous disputer entre nous", affirme Jimmy, le plus jeune du groupe, en colère contre ceux qui ont tiré profit de sa souffrance.
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Les mineurs n'ont pas non plus touché de grosses indemnités. Après huit ans de procédure, la justice a condamné l'Etat chilien à verser une indemnisation de 110'000 USD et mis hors de cause l'entreprise San Esteban.
Mais l'Etat a fait appel, arguant du fait qu'une partie d'entre eux (14 sur 33 en raison de leur âge ou de leur état de santé) bénéficiaient de pensions à vie ou avaient touché de l'argent d'institutions privées ou de particuliers.
Ainsi, déclaré inapte pour des raisons psychologiques, Jimmy vivote aujourd'hui grâce à la pension du gouvernement dans une petite maison qu'avec sa femme et ses deux enfants il doit partager avec 20 personnes.
Justine Fontaine/afp/mh