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Près de la moitié de Beyrouth détruite ou endommagée par les explosions

Deux explosions ont fait plus de 100 morts à Beyrouth lundi
Deux explosions ont fait plus de 100 morts à Beyrouth lundi / 19h30 / 1 min. / le 5 août 2020
Les deux gigantesques explosions qui ont dévasté mardi des quartiers entiers de Beyrouth ont fait au moins 137 morts et plus de 5000 blessés. Jusqu'à 300'000 habitants de la capitale libanaise se retrouvent sans domicile selon une première estimation.

Le gouverneur de la capitale estime le coût des dommages à plus de trois milliards de dollars. "J'ai fait un tour dans Beyrouth, les dommages peuvent s'élever à entre trois et cinq milliards de dollars", a indiqué le gouverneur de Beyrouth Marwan Abboud mercredi en fin de matinée en précisant toutefois qu'il attendait une évaluation des experts et des ingénieurs. "Près de la moitié de Beyrouth est détruite ou endommagée", a-t-il également estimé, avec 250'000 à 300'000 personnes se retrouvant sans domicile.

>> Situation des habitants de Beyrouth, explications de Laure Stephan dans le Forum :

Beyrouth au lendemain de l'explosion.
Liban: après le choc, la colère / Forum / 2 min. / le 5 août 2020

Les opérations de secours se poursuivent

Dans les ruines fumantes du port, au milieu des immeubles éventrés, les secouristes tentaient toujours mercredi de retrouver des victimes. "Nos équipes poursuivent leurs recherches et opérations de secours dans les zones environnantes", a indiqué la Croix-Rouge libanaise dans un communiqué.

Déclarée ville "sinistrée", la capitale libanaise s'est réveillée sous le choc après ces explosions d'une telle puissance qu'elles ont été enregistrées par les capteurs de l'institut américain de géophysique (USGS) comme un séisme de magnitude 3,3.

>> Retour sur la double explosion et les scènes de chaos qui ont suivi dans le 19h30 :

Retour sur la double explosion à Beyrouth et la sidération des premiers instants chez les habitants
Retour sur la double explosion à Beyrouth et la sidération des premiers instants chez les habitants / 19h30 / 2 min. / le 5 août 2020

Cargaison de nitrate d'ammonium pointée du doigt

Le Premier ministre, Hassan Diab, a décrété mercredi jour de deuil national et a promis que les responsables devraient "rendre des comptes".

Le gouvernement pointe du doigt une cargaison de nitrate d'ammonium stockée "sans mesures de précaution" dans le port (lire encadrés).

"Il est inadmissible qu'une cargaison de nitrate d'ammonium, estimée à 2750 tonnes, soit présente depuis six ans dans un entrepôt, sans mesures de précaution. C'est inacceptable et nous ne pouvons pas nous taire", a déclaré le Premier ministre devant le Conseil supérieur de défense, selon un porte-parole.

Dans l'épicentre de l'explosion, dont le souffle a été ressenti jusque sur l'île de Chypre à plus de 200 kilomètres de là, le paysage reste apocalyptique: les conteneurs ressemblent à des boîtes de conserve tordues, les voitures sont calcinées, le sol jonché de valises et de papiers provenant des bureaux avoisinants, soufflés par les déflagrations.

>> Situation mercredi matin à Beyrouth avec Gaby Nasr, éditorialiste à L'Orient-Le Jour :

Le port de Beyrouth au lendemain de l'explosion dévastatrice. [AP/Keystone - Bilal Hussein]AP/Keystone - Bilal Hussein
Point de situation à Beyrouth au lendemain de l'explosion: interview de Gaby Nasr / Tout un monde / 7 min. / le 5 août 2020

Les hôpitaux saturés

Même des Casques bleus ont été grièvement blessés à bord d'un navire amarré dans le port, selon la mission de l'ONU au Liban. Des secouristes, épaulés par des agents de sécurité, ont cherché toute la nuit des survivants ou des morts coincés sous les décombres.

Le bilan devrait donc encore s'alourdir dans la journée. Les hôpitaux de la capitale, déjà confrontés à la pandémie de Covid-19, sont saturés.

>> Les explications de Rona Halabi, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge au Liban, dasn Forum :

Un hôpital de Beyrouth détruit par l'explosion le 5 août 2020. [Keystone - AP Photo/Hassan Ammar]Keystone - AP Photo/Hassan Ammar
Catastrophe humanitaire à Beyrouth après les deux explosions dévastatrices / Forum / 6 min. / le 5 août 2020

"On a tout de suite l'impression qu'on est bombardé"

"Il n'y a pas d'autre mot qu'apocalyptique", témoigne l'expert politique libanais Georges Haddad qui a vécu la double explosion dans son appartement. "En une seconde, tout tremble, il y a un bruit assourdissant, il y a le plafond qui tombe, les portes qui sont soufflées, les vitres qui sont brisées", raconte-t-il dans La Matinale. "On a tout de suite l'impression qu'on est bombardé, avec tous les avions et les drones israéliens qui volaient ces derniers temps. On se dit: voilà, c'est ça, ça commence".

Lui-même blessé par l'explosion, le directeur de l'ONG ALEF - qui travaille au développement des droits de l'homme au Liban - a tenté de se faire soigner dans un hôpital mais a constaté que les établissements étaient complètement débordés. "En arrivant, on voit que les médecins sont complètement dépassés, les infirmiers pleurent, les gens sont en sang, ils crient... C'est la panique totale, il n'y a pas d'organisation", poursuit Georges Haddad.

On parlait déjà de pénurie de médicaments depuis des mois, explique-t-il. Avec cette grosse crise due à l'explosion, tous les services sont maintenant débordés. Résultat: "On ne me soigne même pas, on me dit de repasser après". Il a finalement été soigné plus tard dans la soirée de mardi.

>> L'interview de Georges Haddad dans La Matinale :

Georges Haddad, expert en politique au Liban, directeur de l'ONG ALEF. [DR]DR
Explosion dévastatrice au Liban: interview de Georges Haddad / La Matinale / 12 min. / le 5 août 2020

Encore plus de défiance envers la classe politique

Cette explosion va encore renforcer la défiance vis-à-vis de la classe politique, qui était déjà bien présente, relève Georges Haddad, car la société libanaise était déjà sous une énorme pression. "Et là, on parle de personnes qui ont perdu complètement leur boulot et leur maison, et qui sont gravement blessées. On parle de morts aussi". A ses yeux, la confiance ne sera pas rétablie avant plusieurs années.

Ces explosions interviennent alors que le Liban subit la plus grave crise économique et sociale de son histoire.

>> L'interview de Lokman Slim, codirecteur de l'UMAM Documentation & Research, dans Forum :

Lokman Slim. [CC-BY-SA - Footloop]CC-BY-SA - Footloop
Liban: le coup de grâce économique / Forum / 5 min. / le 5 août 2020

L'aide internationale s'organise

De nombreux pays ont présenté leurs condoléances et proposé de l'aide au Liban, notamment la France qui envoie mercredi plusieurs tonnes de matériel sanitaire. Le président Emmanuel Macron a annoncé sur Twitter l'envoi d'un détachement de la sécurité civile et de "plusieurs tonnes de matériel sanitaire" à Beyrouth.

Les Etats-Unis ont également proposé leur aide, ainsi que l'Allemagne, qui compte des membres du personnel de son ambassade à Beyrouth parmi les blessés. Même Israël a proposé mardi soir "une aide humanitaire et médicale" à son voisin libanais, avec lequel il est techniquement toujours en guerre.

>> Lire : L'aide internationale afflue vers le Liban, le CICR travaille d'arrache-pied

"Profondément choqués"

La présidente du Conseil national Isabelle Moret et le président du Conseil des Etats Hans Stöckli ont exprimé "leurs plus sincères condoléances aux victimes et à leurs familles", dans un tweet commun. Ils se sont dit "profondément choqués par les deux explosions sur le port de Beyrouth".

La présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga a quant à elle exprimé via Twitter sa "plus profonde sympathie au peuple libanais et aux autorités, mais surtout aux blessés et aux familles des victimes".

La consternation est également grande chez les Libanais de Suisse.

>> Le reportage dans le 19h30 :

La consternation chez les Libanais de Suisse
La consternation chez les Libanais de Suisse / 19h30 / 2 min. / le 5 août 2020

L'ambassadrice de Suisse légèrement blessée

L'intérieur de l'ambassade de Suisse à Beyrouth a été endommagé par la double explosion. [DFAE]
L'intérieur de l'ambassade de Suisse à Beyrouth a été endommagé par la double explosion. [DFAE]

L'ambassadrice de Suisse à Beyrouth a été légèrement blessée lors des explosions. Mais compte tenu des circonstances, son état de santé est bon, indique mercredi le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Elle peut reprendre le travail.

>> Lire : La Suisse va envoyer jeudi une équipe d'experts au Liban

Un employé local a également été légèrement touché. Le reste du personnel de l'ambassade n'a pas été blessé, mais certains sont choqués par les événements. L'ambassade et la résidence de l'ambassadrice ont été fortement endommagés lors de l'explosion.

Agences/oang

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Un incendie pourrait avoir déclenché le drame

Les premiers éléments de l'enquête sur l'explosion de mardi au port de Beyrouth mettent en cause des années d'inaction et de négligence malgré la présence sur le site de milliers de tonnes d'un produit chimique hautement explosif, a-t-on appris mercredi auprès d'une source officielle proche des investigations relayée par l'agence Reuters.

Le Premier ministre et la présidence ont déclaré mardi que 2750 tonnes de nitrate d'ammonium, un composant utilisé pour la fabrication d'engrais mais aussi d'engins explosifs, étaient stockés depuis six ans sur le port sans mesures de sécurité particulières.

"C'est de la négligence", a dit la source officielle à Reuters, ajoutant que les inquiétudes suscitées par le dossier avaient été exprimées à plusieurs reprises devant différentes commissions et devant la justice sans que "rien ne soit fait" pour ordonner l'évacuation de ces matières extrêmement dangereuses.

Cette personne a précisé qu'un incendie s'était déclenché au hangar n°9 du port avant de s'étendre au hangar n°12, dans lequel était stocké le nitrate d'ammonium.

De nombreux accidents par le passé

Le nitrate d'ammonium est utilisé en premier lieu pour la fabrication d'engrais - c'est l'engrais azoté le plus utilisé en Suisse - et celle d'explosifs. Il se présente sous forme de poudre blanche ou de granulés inodores.

Il a été à l'origine de diverses tragédies par le passé. On peut citer l'explosion de 1921 dans l'usine BASF en Allemagne qui cause alors la mort de plus de 500 personnes. En 2001 à Toulouse, plusieurs centaines de tonnes de nitrates d'ammonium stockées dans l'usine d'engrais d'AZF avaient explosé, faisant 31 victimes.

>> Les explications de Katja Schaer dans La Matinale:



>> Conséquences de l'inhalation de nitrate d'ammonium, interview de Jérôme Golebiowski, professeur à l'Institut de Chimie de Nice à l'Université Côte d'Azur: