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La colère des Libanais dégénère à Beyrouth; des ministères pris d'assaut

Des manifestation anti-gouvernement à Beyrouth
Des manifestation anti-gouvernement à Beyrouth / 19h30 / 1 min. / le 8 août 2020
Des milliers de personnes ont manifesté samedi à Beyrouth pour exprimer leur colère contre les autorités, quatre jours après l'explosion meurtrière du port. Plusieurs sièges de ministères ont été pris d'assaut et des heurts ont éclaté entre protestataires et forces de l'ordre.

Des milliers de protestataires, dont certains brandissaient des noeuds coulants, se sont rassemblés dans le centre ville pour exprimer leur rejet des dirigeants auxquels ils demandent des comptes après l'explosion de mardi qui a rasé le port de Beyrouth et tué 158 personnes.

A proximité de la place des Martyrs, épicentre traditionnel des manifestations dans la capitale, des heurts ont opposé les forces de sécurité, qui ont tiré des gaz lacrymogènes, à de jeunes protestataires ripostant avec des pierres.

Selon un tweet de la Croix-Rouge libanaise, 63 personnes ont été blessées pendant la manifestation et transportées dans des hôpitaux, et 175 autres soignées sur place. La police a de son côté annoncé la mort d'un de ses agents.

"Quartier général de la Révolution"

Environ 200 manifestants menés par des officiers à la retraite ont pris d'assaut le siège du ministère des Affaires étrangères, le proclamant "quartier général de la Révolution". Ils ont finalement été délogés par l'armée.

L'ex-général Sami Rammah a appelé dans un mégaphone au soulèvement et à la poursuite de "tous les corrompus" tandis que des manifestants décrochaient et piétinaient le portrait du président Michel Aoun.

Des manifestants ont aussi tenté de prendre le quartier général de l'Association des banques, y mettant le feu avant d'être délogés par l'armée, selon un photographe de l'AFP sur place.

Les protestataires ont également investi les ministères de l'Economie et celui de l'Energie. Ce secteur constitue le symbole de la gabegie des services publics, les coupures de courant alimentant la gronde.

Les banques sont la cible de la colère des manifestants depuis octobre en raison des restrictions draconiennes imposées sur les retraits et virement à l'étranger.

Sur la place des Martyrs le mot d'ordre était "Le Jour du jugement". Des guillotines en bois ont été installées. Le hashtag #Pendez-les circule depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux.

Des protestataires ont brandi des cordes, un noeud coulant à leur extrémité. [RTS - Mouna Hussein]
Des protestataires ont brandi des cordes, un noeud coulant à leur extrémité. [RTS - Mouna Hussein]

Vers des législatives anticipées

Dans un discours télévisé, le Premier ministre libanais, Hassan Diab, a annoncé qu'il proposerait des législatives anticipées, estimant que seul un tel scrutin permettrait "de sortir de la crise structurelle". Il s'est dit prêt à rester au pouvoir "pendant deux mois", le temps que les forces politiques s'entendent.

Pour les Libanais déjà éprouvés par une crise économique inédite, l'explosion qui a dévasté une partie de la ville a été la catastrophe de trop, relançant un mouvement de contestation qui avait débuté en octobre pour dénoncer l'ensemble de la classe dirigeante, jugée corrompue et incompétente, mais s'était essoufflé en raison de la pandémie de Covid-19.

Le Liban est en plein naufrage économique, après avoir fait défaut sur sa dette, et ses dirigeants ont été incapables de s'entendre sur un plan de sauvetage avec le Fonds monétaire international (FMI).

agences/ther

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Causes de l'explosion encore peu claires

L'explosion au port, dont les circonstances ne sont toujours pas élucidées, aurait été provoquée par un incendie qui a touché un énorme dépôt de nitrate d'ammonium, dangereuse substance chimique.

La catastrophe a fait au moins 158 morts et plus de 6000 blessés, dont au moins 120 sont dans un état critique, selon le ministère de la Santé, et 21 personnes sont toujours disparues. Quarante-trois Syriens sont morts, selon leur ambassade.

Les Etats-Unis soutiennent le droit à manifester

Les Etats-Unis soutiennent le droit des Libanais à manifester dans le calme et exhortent toutes les parties impliquées à s'abstenir de toute violence, a déclaré samedi l'ambassade des Etats-Unis à Beyrouth.

L'ambassade estime aussi sur Twitter que le peuple libanais "mérite des dirigeants qui l'écoutent et changeront de cap pour répondre aux exigences populaires de transparence et de
responsabilité".