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Il y a 60 ans, dix-sept pays africains accédaient à leur indépendance

Plusieurs pays africains commémorent les 60 ans de leur indépendance
Plusieurs pays africains commémorent les 60 ans de leur indépendance / 19h30 / 2 min. / le 15 août 2020
Cameroun, Sénégal, Bénin ou encore Madagascar figurent sur la liste des pays qui ont pris leur indépendance de la France en 1960, dont plusieurs au mois d'août. L'occasion de revenir sur cette vague de décolonisation et son héritage.

Coronavirus oblige, peu de festivités accompagnent les célébrations de l'indépendance obtenue il y a soixante ans dans 17 pays d'Afrique, majoritairement francophones. Au Bénin, la fête a été modeste le 1er août, où le grand défilé militaire a été annulé. Le président Patrice Talon s'est contenté de déposer une gerbe sur la place du monument aux morts après y avoir allumé "la flamme de l'espoir".

La veille, il avait adressé son traditionnel message à la nation diffusé à la télévision et sur les réseaux sociaux, insistant sur la gravité de la crise sanitaire et partageant son inquiétude quant à la situation économique.

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Une fête éclipsée

Au Tchad, le président Idriss Deby Itno a quant à lui choisi le 11 août, jour du 60e anniversaire de l'indépendance du pays, pour se promouvoir maréchal, donnant un ton résolument martial à la cérémonie. Avec ce titre, il assied son image de chef de guerre, lui qui a dirigé en avril une vaste opération contre le groupe djihadiste Boko Haram. Mais ces promesses guerrières et l'absence de cérémonie dans le pays où les rassemblements de plus de 50 personnes demeurent interdits n'a pas plu à l'opposition qui aurait préféré voir le Tchad célébrer son indépendance de la France.

1960 reste une année symbolique en Afrique puisqu'elle a donné naissance à plusieurs Etats-nations, mais il y a aussi beaucoup de désillusion

Nicolas Bancel, professeur d'histoire

"Aujourd'hui, la fête de l'indépendance a été réduite à une simple cérémonie de prise d'arme", a regretté auprès de l'AFP Saleh Kebzabo, chef de file historique de l'opposition et candidat malheureux à la présidentielle face à Idriss Déby. "L'accession à l'indépendance ne sera plus racontée aux enfants et aux petits-enfants de ce pays. L'élévation à la dignité du maréchal va éclipser cet événement primordial de l'accession du Tchad à la souveraineté internationale", déplore pour sa part le politologue tchadien Evariste Ngarlem Tolde.

Un contexte, plusieurs scénarios

Ces deux exemples illustrent toute l'ambiguïté du rapport des pays africains à leur indépendance. Du Cameroun à l'Algérie, en passant par Madagascar, le Sénégal, le Niger ou le Gabon, il y a d'ailleurs en réalité presque autant de scénarios de décolonisation que de pays.

Un contexte commun a cependant présidé à cette vague d'indépendances africaines. D'un point de vue géopolitique, en pleine Guerre froide, la France n'est plus qu'une puissance moyenne sur le plan international où deux blocs menés l'un par les Etats-Unis, l'autre par l'ex-URSS se partagent désormais l'échiquier. "Ces deux grandes puissances se déclarent anticolonialistes et la France se retrouve en quelque sorte contrainte et forcée à lâcher du lest, notamment parce qu'elle doit des centaines de millions de dollars aux Etats-Unis, empruntés pour financer la guerre d'Indochine", indique l'historien Nicolas Bancel.

Le rôle de la France

Dans le livre "Décolonisations françaises, la chute d’un Empire" (La Découverte, 2020), dont il est co-auteur, ce professeur d'histoire à l'Université de Lausanne détaille le processus qui a conduit aux indépendances. Après la Seconde Guerre mondiale, la situation se tend, notamment au Maghreb où des mouvements nationalistes montent depuis les années 1930. La France prend un certain nombre de mesures pour conserver ses territoires en mettant fin par exemple au travail forcé, en offrant aux colonisés une "citoyenneté d'empire" ou encore en investissant en Afrique noire 745 milliards de francs CFA sur dix ans dans des programmes de développement, avec un volet accordé à l'éducation, détaille-t-il.

La France bénéficie encore du pré carré africain négocié lors de la décolonisation, même si elle fait désormais face à la concurrence de nouveaux acteurs

Nicolas Bancel, professeur d'histoire

En Afrique noire, en Tunisie et au Maroc, entre 1945 et 1960, le taux d'alphabétisation des populations locales passe globalement de 3% à 12%. Conséquence: des milliers d'étudiants -boursiers ou non- partent en métropole. La France compte sur eux pour moderniser l'appareil colonial. "En réalité, ces nouvelles élites seront au coeur de la contestation anticoloniale", précise Nicolas Bancel à la RTS. En 1956, la Tunisie et le Maroc prennent leur indépendance.

Suivra la loi-cadre Defferre qui octroie le suffrage universel aux citoyens africains et crée des conseils de gouvernement, soit des exécutifs territoriaux relativement autonomes, et des assemblées territoriales qui ont un vrai pouvoir législatif. Cette loi conduira néanmoins à ce que certains historiens qualifient de "balkanisation de l'Afrique" puisque les fédérations d'Afrique occidentale française et d'Afrique équatoriale française sont complètement dévitalisées au profit des territoires. Cela va bientôt faciliter l'influence de la France après les indépendances de 1960.

Un effet domino

Dès 1959, les pressions anticolonialistes émanant de la jeunesse et des syndicats, puissants, deviennent ingérables pour la France qui ne peut pas se permettre d'ouvrir un nouveau front militaire, elle qui est déjà aux prises avec un conflit au Cameroun et, surtout, en Algérie, et qui n'a pas les moyens, ni politiques, ni financiers, de répondre aux revendications, notamment salariales, de ses colonies.

"La France va jouer alors une nouvelle carte qui lui permettra de rester influente tout en accordant l'indépendance", relève Nicolas Bancel. Elle parvient ainsi à sortir de l'impasse. "En Guinée, par exemple, le nouveau chef d'Etat Ahmed Sékou Touré va devoir gérer les revendications de son propre syndicat. C'est la même chose avec les forces de police locales, qui passent sous contrôle africain: la répression des mouvements contestataires sera faite par les Africains eux-mêmes", et ce, avant les indépendances.

Mais alors que certains pays accueillent l'indépendance comme une libération, d'autres se font davantage prier. "Le Gabon voulait rester dans le giron de la France et demandait sa départementalisation sur le modèle martiniquais", a découvert l'historien lors de ses recherches. Soixante ans après, en France comme dans les pays africains concernés, l'héritage de 1960 garde un parfum doux-amer.

>> Que s'est-il passé en Afrique après 1960? :

Ahmadou Ahidjo, président du Cameroun de 1960 à 1982, ici photographié en 1971. [AFP]AFP
1960, année magique de l’Afrique (2/5): indépendances et redépendances africaines / La Matinale / 5 min. / le 11 août 2020

Juliette Galeazzi

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