Le président Nicolas Sarkozy, qui s'était rendu à Tripoli la
semaine dernière, s'est dit "favorable" à la création d'une telle
commission "sur les développements récents des relations entre la
France et la Libye, y compris en matière d'armement".
Pas de contrepartie
"Les travaux de cette commission permettront de confirmer toutes
les déclarations faites par les autorités françaises et de mettre
en valeur l'exemplarité de leur action qui a permis, avec l'Union
européenne, de mettre un terme à l'emprisonnement des cinq
infirmières et du médecin bulgares", a affirmé la présidence dans
un communiqué.
Les responsables ont continué à affirmer que la libération des
infirmières n'avait donné lieu à aucune "contrepartie" ou
"rémunération" en faveur du régime du dirigeant Mouammar Kadhafi.
Mais le gouvernement a été toutefois placé dans l'embarras par
l'annonce jeudi soir par un haut responsable libyen de l'existence
d'un contrat d'armement avec EADS.
Deux gros contrats
L'existence de ce contrat avait été confirmée au journal "Le
Monde" par le fils du dirigeant libyen, Seif Al-Islam Kadhafi.
Selon lui, ce contrat d'armement avec la France, qui porte sur
l'achat de missiles Milan d'un montant de 168 millions d'euros (277
millions de francs) et pour un système Tetra de communication radio
à hauteur de 128 millions d'euros (211 millions de francs), avait
joué un rôle important dans la libération des six Bulgares.
Le ministre de la Défense, Hervé Morin, a confirmé vendredi que la
Libye avait bien signé une "lettre d'intention" pour acheter des
missiles Milan, une arme exportée dans plus de 40 pays. Selon M.
Morin, la vente avait reçu "l'accord de principe" d'une commission
interministérielle française dès février 2007, "sous l'ancien
gouvernement". Le groupe européen EADS a annoncé de son côté que ce
contrat, négocié par sa filiale MBDA, était "finalisé après 18
mois" de négociations.
Le PS veut des explications
Pour Paris, il est normal que des entreprises françaises, y
compris d'armement, cherchent à conclure des accords avec la Libye.
Car ce pays, autrefois accusé par les Occidentaux de soutenir le
terrorisme, «respecte» désormais ses obligations internationales et
n'est plus frappé par l'embargo européen sur les armes, levé en
2004. "Il y a des tas de pays en discussion avec Tripoli: les
Italiens, les Russes, les Britanniques...", a souligné M.
Morin.
Pour le secrétaire général du Parti socialiste François Hollande,
la commission d'enquête doit "faire la lumière sur ce qui est de
l'ordre de l'accord commercial, j'allais dire classique, et ce qui
est de l'ordre d'une négociation avec un pays qui a détenu, hélas,
des otages pendant huit ans et a essayé d'en jouer sur la scène
internationale".
afp/kot
Un accord militaire plutôt obscur
Au cours de la visite de Nicolas Sarkozy à Tripoli, Paris avait signé avec la Libye un mémorandum portant sur un projet de fourniture d'une centrale nucléaire destinée au dessalement d'eau de mer et un accord de coopération dans le domaine militaire dont les termes n'ont pas été rendus publics.
L'opposition avait accusé le gouvernement de ne pas avoir fait preuve de «transparence», et soupçonne que la libération des infirmières, détenues pendant plus de huit ans, ait pu faire l'objet d'un marchandage secret avec Paris.
Bernard Kouchner dans la tourmente
Le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, figure de proue de l'ouverture à gauche du président Nicolas Sarkozy, se retrouve en position délicate dans cette affaire.
Accusé dans un premier temps par ses anciens amis socialistes d'avoir été tenu à l'écart de cette libération par le président et son épouse Cécilia, il est désormais montré du doigt pour ses démentis concernant d'éventuelles tractations avec le régime de Mouammar Kadhafi.
La porte-parole de l'UMP, Nadine Morano, est montée au créneau jeudi pour dénoncer "les attaques incessantes des socialistes à l'encontre de Bernard Kouchner" qui "témoigne une fois de plus de leur goût prononcé pour la polémique".
L'entrée de Bernard Kouchner, avocat du droit d'ingérence humanitaire, dans un gouvernement de droite avait plongé le PS dans un profond embarras.