Jimmy Lai, richissime magnat de la presse, fait partie des 10 personnes qui ont été interpellées lundi dans un vaste coup de filet contre la mouvance pro-démocratie, avant qu'environ 200 policiers ne réalisent une perquisition dans la salle de rédaction de son journal, notoirement critique de Pékin.
Mardi, après plus de trente heure passées en détention, il a finalement pu être libéré sous caution.
Mais, dans un nouveau signe de la popularité de l'opposition dans l'ex-colonie britannique, les habitants de Hong Kong se sont précipités mardi dans les kiosques pour se procurer l'Apple Daily, qui avait anticipé cette demande en tirant exceptionnellement à 550'000 exemplaires, contre 70'000 en temps normal.
Ainsi, un restaurateur du quartier populaire de Mongkok en a-t-il acheté une cinquantaine de copies, en expliquant qu'il comptait les distribuer gratuitement à ses clients.
Lundi soir, un livestream du tirage du quotidien réunissait pas moins de 12'000 internautes. Dans les commentaires, plusieurs personnes se disaient prêtes à acheter le journal même s'il ne contenait que des pages blanches.
"Comme le gouvernement ne veut pas que l'Apple Daily survive, nous autres Hongkongais devons le sauver nous-mêmes", a déclaré cet homme se faisant appeler Ng.
Signe de l'inquiétude ambiante face à la nouvelle loi sur la sécurité nationale, de moins en moins de Hongkongais acceptent de témoigner sous leur identité.
L'action du groupe de presse augmente de 1100%
"L'Apple Daily doit se battre", proclame en Une l'édition de mardi, une promesse écrite en rouge vif sur une photo pleine page de Jimmy Lai conduit par les policiers dans la salle de rédaction du journal.
Autre marque de solidarité avec Jimmy Lai, l'action de son groupe de presse Next Digital était mardi en hausse de près de 1100% depuis son arrestation lundi matin, de nombreux particuliers se précipitant sur le titre pour le soutenir.
Situation inimaginable il y a quelques mois
Les arrestations et la perquisition ont été condamnées comme des atteintes "sans précédent" à la liberté de la presse, dont Hong Kong était naguère une place forte, des atteintes qui étaient inimaginables il y a quelques mois.
"La police combat désormais de façon ouverte la liberté de la presse. Je suis très en colère", a dénoncé à Mongkok une femme se faisant appeler Chan, qui a acheté 16 exemplaires du journal.
Considérée comme une réponse de Pékin aux mois de manifestations en faveur de la démocratie qui avaient ébranlé Hong Kong en 2019, la loi sur la sécurité nationale imposée le 30 juin donne aux autorités locales de nouveaux pouvoirs pour réprimer quatre types de crimes contre la sécurité de l'Etat: la subversion, le séparatisme, le terrorisme et la collusion avec des forces extérieures.
L'activiste Agnes Chow également relâchée
Agnes Chow, interpellée elle aussi lundi, a pu être relâchée sous caution mardi dans la soirée. La célèbre militante du camp pro-démocratie et co-fondatrice du parti Demosisto aux côtés de Joshua Wong et de Nathan Law, est également visée par la nouvelle loi sur la sécurité nationale.
A sa sortie, elle a expliqué devant un parterre de journalistes être victime "d'un procès politique".
Cheung Kim-hung, directeur général de l'Apple Daily, et Lai Yiu-yan, l'un des deux fils de Jimmy Lai également arrêtés, ont aussi pu être libérés sous caution.
Tristan Hertig avec l'afp