"Cette route vers les Canaries, utilisée en 2005-2006, n'avait plus été utilisée pendant de nombreuses années et a été réactivée", explique l'envoyé spécial pour la situation en Méditerranée centrale du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) vendredi dans a Matinale. "Depuis le début de l'année, on voit six fois plus de départs des côtes marocaines, du Sahara occidental, de la Mauritanie, du Sénégal et de la Gambie vers les Canaries", précise Vincent Cochetel.
Des frontières fermées mais poreuses
Plus de 40 pays africains ont pourtant fermé leurs frontières pour cause de pandémie. Mais "ce n'est pas des frontières toujours très faciles à contrôler", souligne ce responsable au HCR. "Il s'agit de déserts, de lieux très peu habités, et les trafiquants multiplient les offres pour essayer d'amener un maximum de clients vers les pays d'Afrique du Nord".
Et avec ce déplacement géographique partiel des traversées par la mer, l'Espagne se retrouve directement touchée. "L'Espagne a toujours été un pays d'arrivées, mais principalement pour de jeunes Marocains", rappelle Vincent Cochetel. "Aujourd'hui, on voit une baisse des départs du Maroc directement vers la Péninsule ibérique. L'augmentation des départs se fait surtout vers les îles Canaries".
La désillusion des Tunisiens
Et si les traversées diminuent depuis les côtes marocaines, c'est désormais la Tunisie qui est devenue le premier pays de départ - principalement vers l'Italie. "En termes de chiffres, cela reste gérable", assure l'envoyé spécial pour la situation en Méditerranée centrale. "On parle de 10'000 personnes, dont 34% ont été sauvées ou interceptées par les garde-côtes tunisiens et ramenées sur les côtes tunisiennes. Mais c'est une augmentation très forte, qui touche les populations pauvres du sud de la Tunisie principalement".
Cette forte progression des Tunisiens voulant rejoindre l'Europe s'explique notamment par le désespoir et les désillusions. "Beaucoup de gens attendaient des changements politiques en Tunisie qui ne sont pas encore intervenus", explique Vincent Cochetel. C'est l'effet aussi de la pandémie et des mesures restrictives imposées sur le plan de la fermeture des frontières avec la Libye. "Les gens ne voient pas d'autre espoir que dans leur mobilité personnelle. Et bien entendu les passeurs jouent là-dessus et vendent leurs projets de mort facilement".
Propos recueillis par Benjamin Luis/oang
De plus en plus de Tunisiennes tentent la traversée
Entre début janvier et fin juillet, les tentatives de traversée au départ de la Libye ont augmenté de plus de 90% par rapport à la même période l’an passé. Mais ce sont les départs de Tunisie qui ont surtout explosé: plus de 10'000 ont été répertoriés depuis le début de l’année, soit une augmentation de près de 500% par rapport à l’an dernier.
Et le profil migratoire est en train de changer. Ce ne sont plus que de jeunes Tunisiens non diplômés qui tentent la traversée, les femmes sont de plus en plus nombreuses à affronter la mer. Et il s'agit souvent de mères de famille accompagnées de leurs enfants.