Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta, son Premier ministre Boubou Cissé et d'autres responsables civils et militaires ont été arrêtés mardi lors d'évènements ayant commencé par une mutinerie de soldats dans la ville-garnison de Kati, à 15 kilomètres de Bamako.
Le président Keïta, élu en 2013 puis réélu en 2018 pour cinq ans, a été conduit à Kati après son arrestation avec le chef du gouvernement. Il a annoncé sa démission dans la nuit de mardi à mercredi, puis la dissolution du gouvernement et de l'Assemblée nationale, sur la télévision publique.
Les militaires qui ont pris le pouvoir ont promis mercredi la formation d'un gouvernement civil de transition chargé d'organiser de nouvelles élections dans un délai "raisonnable", afin de rétablir la stabilité politique. Un officier, le colonel Assimi Goita, s'est présenté comme le chef de la junte (lire encadré).
>> Lire : Le président du Mali "démissionne" après avoir été arrêté par des militaires
"Extrême préoccupation" de l'UE
L'Union européenne a appelé mercredi à la libération "immédiate" des prisonniers et au "retour de l'Etat de droit" dans le pays. "La stabilité de la région et du Mali, la lutte contre le terrorisme doivent demeurer des priorités absolues", a déclaré le président du Conseil européen.
Le Belge Charles Michel a souligné "l'extrême préoccupation" des 27 après les développements des dernières heures, à l'issue d'un sommet extraordinaire des 27 où le sujet est venu s'ajouter aux discussions.
Washington appelle au dialogue pacifique
Le chef de la diplomatie américaine, de son côté, a "fermement condamné" la prise du pouvoir par l'armée et a réclamé que "la liberté et la sécurité des responsables gouvernementaux" soient assurées. Mike Pompeo n'a toutefois pas parlé de coup d'Etat. Il a appelé à "oeuvrer au rétablissement d'un gouvernement constitutionnel".
"Nous appelons tous les acteurs au Mali à participer à un dialogue pacifique, à respecter les droits des Maliens à la liberté d'expression et de réunion pacifique, et à rejeter la violence", a-t-il ajouté.
Réunion urgente du Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité des Nations unies doit se réunir en urgence et à huis clos mercredi à New York, à la demande de la France et du Niger, qui préside actuellement la Cédéao, selon une source diplomatique.
La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), médiatrice dans la crise qui frappe le Mali depuis juin, a condamné le putsch et suspendu le pays de ses rangs. Elle doit se réunir jeudi en visioconférence.
Dénonçant lui aussi les événements, le président en exercice de l'Union africaine (UA), le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, a exigé la "libération immédiate" du président Ibrahim Boubacar Keïta et de ses ministres. L'organisation a suspendu le Mali "jusqu'au retour de l'ordre constitutionnel et demande la libération du président Boubacar Keita, du Premier ministre et des autres responsables du gouvernement arrêtés par la force par l'armée", a indiqué le Conseil paix et sécurité de l'UA sur Twitter.
Alger craint pour sa frontière sud
Pays voisin du Mali, l'Algérie a appelé à des élections et au "respect de l'ordre constitutionnel", selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
Alger dit suivre avec "préoccupation" la situation dans ce pays avec lequel elle partage près de 1400 kilomètres de frontière et qui est déjà en proie à des violences jihadistes et "appelle toutes les parties au respect de l'ordre constitutionnel et au retour à la raison pour une sortie de crise rapide".
Le Maroc, partenaire du Mali, s'est dit "attaché à la stabilité de ce pays".
afp/oang
Berne appelle à garantir la démocratie
La Suisse a également fait savoir, via le Département fédéral des affaires étrangères (DFJP), qu'elle suivait de très près les développements actuels au Mali.
Elle a appelé au dialogue entre les parties, au respect des règles constitutionnelles ainsi qu'à la garantie de la démocratie et de l'Etat de droit pour l'ensemble de la population.
Le pouvoir en mains d'un colonel
Un officier malien, le colonel Assimi Goita, s'est présenté mercredi comme le chef de la junte qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta.
"Je me présente: je suis le colonel Assimi Goita, le président du Comité national pour le salut du peuple (CNSP)", a-t-il déclaré à la presse en fin d'après-midi.
"Le Mali se trouve dans une situation de crise socio-politique, sécuritaire. Nous n'avons plus le droit à l'erreur. Nous, en faisant cette intervention hier, nous avons mis le pays au-dessus (de tout), le Mali d'abord", a-t-il dit, entouré de militaires armés.
L'officier d'une quarantaine d'années est issu du Prytanée militaire de Kati, dans la banlieue de Bamako, qui forme les meilleurs éléments de l'armée et est également diplômé de l'Ecole inter-armes de Koulikoro, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale.
Il était jusqu'ici le patron des Forces spéciales maliennes basées dans le centre du pays, une région en proie depuis 2015 à des violences jihadistes et intercommunautaire, ont indiqué à l'AFP des membres de son entourage, qui le disent "très rigoureux".