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À Idlib, des civils toujours plus isolés au coeur d'un désastre humanitaire

Dans un camp de réfugiés à Idlib. [RTS - Céline Martelet]
Syrie: interview de Céline Martelet, auteure du reportage / Tout un monde / 6 min. / le 24 août 2020
Neuf ans après le début du soulèvement syrien, une dernière enclave dans la province d’Idlib, au nord-ouest du pays, échappe encore au contrôle de Damas. Mais aujourd'hui, pour ses quelque 4 millions d'habitants, il est davantage question de survie que de révolution.

Enclave coincée entre l'armée syrienne et la frontière turque, Idlib est désormais une région dont la situation est comparable à la bande de Gaza. La majorité des opposants au régime de Bachar al-Assad y ont été progressivement repoussés ces dernières années, notamment depuis la bataille d'Alep fin 2016.

Quelque 4 millions de civils s'y entassent désormais dans des conditions humanitaires catastrophiques. Parmi eux, deux millions de déplacés vivent dans d'immense camps de réfugiés.

"Dès que vous passez la frontière syrienne, où que vous regardiez, il y a toujours ces tentes en tissus à perte de vue. Les gens se sont installés là où ils le pouvaient", raconte la journaliste indépendante Céline Martelet, qui a pu se rendre sur place, dans l'émission Tout un monde de la RTS.

Une "stabilité" précaire

Aujourd'hui, la région est administrée par le "gouvernement de salvation" local, et vit sous le contrôle de groupes armés plus ou moins radicaux, dont le principal, Hayat Tahrir al-Cham (HTS), est né en 2017 des cendres du Front al-Nostra et de la branche syrienne d'Al-Qaïda. Il est considéré par l'ONU comme un groupe terroriste.

Selon le gouvernement de salvation, ces différents groupes armés sont "sous contrôle", et certains ex-membres du groupe Etat islamique parmi eux sont surveillés. Ainsi, la situation est "presque stable", explique Céline Martelet, mais peut basculer rapidement si des groupes armés entrent en conflit, ou si le régime de Bachar al-Assad décide de passer à l'offensive.

Aide humanitaire insuffisante

La situation des populations sur place est rarement évoquée car les journalistes étrangers y sont désormais rares. Pour s'y rendre, il faut obtenir des autorisations - de la part des autorités turques mais également des groupes armés syriens - très longues à obtenir. Et les autorités turques sont claires: les journalistes qui s'y aventurent le font à leurs risques et périls.

Dans le studio de la radio Fresh. [RTS - Céline Martelet]
Dans le studio de la radio Fresh. [RTS - Céline Martelet]

De même, les grandes ONG internationales sont absentes d'Idlib pour des raisons de sécurité. Seules quelques organisations locales, syriennes ou turques, sont présentes pour essayer de gérer la situation. Ainsi, l'aide humanitaire arrive au compte-goutte depuis la Turquie à travers le seul poste frontière encore ouvert, et ne suffit pas à couvrir les besoins de tout le monde.

Lutte pour survivre

Aujourd'hui, la situation est telle que la révolution contre le régime est secondaire pour la majorité des civils, qui essaient avant tout de survivre. Pourtant, au milieu de cette catastrophe humanitaire sans précédent, certains jeunes essaient de porter leur voix à l'intérieur et en dehors des frontières. C'est le cas notamment de la station Radio Fresh FM, qui emploie une quarantaine de journalistes, la plupart jeunes et bénévoles.

Une activité "folle" dans cette zone, concède son directeur, tant le régime et tous les groupes armés "veulent que l'on dise ce qui les arrange". Le fondateur et premier directeur de la radio, Raed Fares, a été assassiné en novembre 2018. Mais son combat médiatique, nécessaire pour contrer les médias du régime de Damas et faire entendre la voix des civils vivant à Idlib, lui aura survécu.

>> Écoutez le reportage sur place de Céline Martelet, Edith Bouvier et Hussam Hammoud :

Dans le studio de la radio Fresh. [RTS - Céline Martelet]RTS - Céline Martelet
Reportage dans la région d'Idlib, dernière enclave rebelle en Syrie / Tout un monde / 5 min. / le 24 août 2020

Propos recueillis par Eric Guevara-Frey

Texte web: Pierrik Jordan

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