Les face à face entre les marines chinoises et américaines s'intensifient en mer de Chine méridionale et autour de Taiwan. Les tirs de missiles par la Chine sont considérés comme une démonstration de force dans le sillage du survol d'une zone militaire sensible en début de semaine par un avion espion américain U-2. Pékin a dénoncé une provocation inacceptable.
Les deux projectiles chinois se sont abattus près de l'archipel des Paracels, une zone contestée de la mer de Chine méridionale dont le Parti communiste revendique 90% de la superficie.
Garantir la liberté de navigation
Grand comme l'Argentine, cet espace maritime est riche en ressources naturelles et en matières premières. Il s'agit également d'un des principaux carrefours mondiaux du commerce international.
Les prétentions territoriales chinoises sont contestées par ses voisins. Portées devant la cour d'arbitrage de la Haye en 2016, les revendications chinoises ont été jugées illégitimes. Un verdict balayé par Pékin qui, depuis 2003, s'est emparé de nombreux récifs et a construit des îlots artificiels en vue de leur militarisation. L'Armée populaire de libération compte aujourd'hui plusieurs bases dans la région.
Face à cette stratégie, de nombreux pays, dont l'Australie, le Royaume-Uni ou la France, mais surtout les Etats-Unis patrouillent régulièrement la zone pour garantir la liberté de navigation. Ces derniers mois, la Chine a toutefois intensifié sa présence.
"Profiter du chaos de la pandémie"
"Il faut voir ça à travers le prisme de la pandémie de Covid-19", explique Helena Legarda, analyste auprès de l'Institut Mercator d'études chinoises (Merics) à Berlin. "La Chine tente de profiter du chaos dans différents pays pour accroître sa pression régionale".
Par la voix de son secrétaire d'Etat, Mike Pompeo, Washington a récemment haussé le ton, qualifiant d'illégales les activités chinoises en mer de Chine méridionale. Ces dernières semaines, les Etats-Unis ont intensifié le déploiement de navires de guerre dans la région, notamment à proximité de Taiwan.
L'île démocratique est au coeur des tensions entre les deux superpuissances. Pékin considère le territoire comme faisant partie intégrante de la Chine et n'a jamais caché son intention de le réunifier au continent, par la force s'il le faut. Un projet jusqu'ici contrarié par la supériorité militaire américaine et le soutien de Washington envers Taipei.
Risque accru d'incident
Dans ce contexte tendu, l'Armée populaire de libération – l'armée chinoise – multiplie les exercices à tirs réels. La marine américaine procède également à des simulations grandeur nature, intensifiant les missions de reconnaissance et de surveillance. Cette recrudescence d'opérations de part et d'autre inquiète Helena Legarda: "Ni la Chine, ni les Etats-Unis, ni aucun pays de la région ne veut une guerre. Mais une présence accrue de différentes armées dans la zone accroît considérablement le risque de voir survenir un incident".
Il y a un mois, deux navires de guerre chinois et américains ont croisé à faible distance, faisant planer le spectre d'une collision. "Si ça devait se produire, quelle serait la prochaine étape? S'il y avait un incident, comment serait-il résolu?", s'interroge Helena Legarda.
Ces préoccupations sont partagées par nombre d'experts. Hu Bo est le directeur du South China Sea Probing Initiative, un think tank dédié aux enjeux stratégiques en mer de Chine du Sud. Il n'exclut pas un conflit de moyenne envergure dans la région.
"C'est très dangereux, parce que oui, la Chine et les Etats-Unis entretiennent des communications militaires censées éviter l'escalade. Mais à l'heure actuelle, aux Etats-Unis, le sentiment antichinois domine largement. Si un incident survenait dans le contexte actuel, je ne suis pas optimiste quant à la capacité des deux parties de garder la situation sous contrôle", avertit-il.
Michael Peuker
Sanctions américaines contre 24 entreprises chinoises
Parallèlement à ces tensions sur le terrain, les Etats-Unis ont annoncé hier une nouvelle volée de sanctions à l’encontre de 24 entreprises chinoises impliquées dans la construction et la militarisation d’îlots en mer de Chine du Sud. Ces sociétés, dont la China Communications Construction Company, constituent pour beaucoup des acteurs majeurs de divers projets liés aux nouvelles routes de la soie. Toutes sont désormais coupées de tous produits ou technologies américains.
Les entrepreneurs liés à ces entreprises se voient également privés de visa et interdits d’entrée sur territoire des Etats-Unis.
Ces sanctions s’inscrivent dans la nouvelle politique renforcée annoncée mi-juillet par le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo pour lutter contre les revendications "illégales" de Pékin en mer de Chine méridionale.