K., âgé de 17 ans, a été interpellé dans l'Illinois et mis en examen pour homicide intentionnel au premier degré, a précisé un responsable des services judiciaires du comté de Lake. Armé d'un fusil d'assaut, il s'était mêlé mardi soir à une manifestation contre les violences policières à Kenosha, dans le Wisconsin.
La ville de Kenosha a connu trois nuits successives de manifestations parfois violentes après la tentative d'interpellation de Jacob Blake, un Afro-Américainr sur lequel des policiers ont tiré dimanche alors qu'il leur tournait le dos. L'incident, filmé, a ravivé les protestations contre le racisme et la violence dans la police aux Etats-Unis.
Les deux personnes tuées vraisemblablement par le jeune homme – toujours présumé innocent – sont deux hommes de 36 et 26 ans. Un troisième, âgé 26 ans, a été blessé par les tirs: selon la police, il devrait survivre à ses blessures.
Le jeune homme s'est vu attribuer un avocat commis d'office dans l'Illinois, Etat voisin où il avait fui après la fusillade de Kenosha. K. devrait être transféré dans le Wisconsin où la loi stipule que toute personne de 17 ans ou plus est traitée comme un adulte dans le système de justice pénale.
Des milices armées composées d'hommes blancs
Depuis le début des manifestations de Kenosha, des milices généralement composées d'hommes blancs qui disent vouloir protéger la ville des pillards, patrouillent armés dans les rues. Mardi, après la tombée de la nuit, des affrontements ont eu lieu dans le centre-ville de Kenosha entre la police et quelque 200 contestataires ayant bravé le couvre-feu nocturne imposé dans la ville.
"Il semble qu'un membre d'une milice qui a décidé de jouer les vigiles se soit approprié la loi et ait abattu des manifestants innocents", avait déclaré le lieutenant-gouverneur du Wisconsin, Mandela Barnes, à la chaîne de télévision MSNBC mercredi, avant l'annonce de l'interpellation du suspect.
Le shérif du comté de Kenosha, David Beth, a expliqué par la suite lors d'une conférence de presse que les tirs de mardi soir semblaient impliquer des membres d'un groupe auquel il avait refusé de confier une mission de soutien aux forces de police pendant les manifestations.
Facebook a fermé dans la journée une page de la "Kenosha Guard", qui se décrit comme une milice locale et avait appelé ses membres à protéger les rues.
Les médias sociaux montrent que le suspect est un grand amateur d'armes, qu'il soutenait la police dans le cadre d'un mouvement nommé "Blue Lives Matter" [ndlr. "les vies bleues comptent", soit les vies des policiers] qui se veut une réponse à "Black Lives Matter". Il est également un supporter de Donald Trump: une photo publiée par BuzzFeed le montre aux premières loges d'un de ses meetings à Des Moines dans l'Iowa.
La police de Kenosha a dû répondre à des questions sur ses interactions avec le tireur la nuit des meurtres. Selon les témoignages et les enregistrements vidéo, la police a apparemment laissé le tireur passer devant elle. Ce dernier a quitté les lieux avec un fusil sur l'épaule et les mains en l'air, alors que des membres de la foule criaient pour qu'il soit arrêté parce qu'il avait tiré sur des gens.
Pour rendre hommage aux victimes de Kenosha, des centaines de personnes ont encore défilé mercredi soir malgré le couvre-feu imposé par les autorités, sans laisser déborder leur colère: "Tout le monde s'attend à ce qu'on ait la rage, qu'on devienne fous, mais on va continuer à manifester dans le calme", a déclaré l'un des manifestants.
Donald Trump veut "restaurer la loi et l'ordre"
Donald Trump a annoncé mercredi que les autorités du Wisconsin avaient accepté l'envoi sur place de forces de l'ordre fédérales "pour restaurer la loi et l'ordre", selon l'un des mots d'ordre de sa campagne pour l'élection présidentielle du 3 novembre.
Sans un mot pour Jacob Blake, le candidat à sa propre succession a préféré mettre l'accent sur les violences commises en marge des manifestations. Mercredi, il a juré de ne pas tolérer "l'anarchie dans les rues américaines"; jeudi soir, il doit prononcer un discours depuis la Maison Blanche pour accepter la nomination de son parti comme candidat à la présidentielle du 3 novembre.
Stéphanie Jaquet et les agences
L'agent qui a tiré sur Jacob Blake mis à pied
L'agent auteur des tirs, 31 ans, a été mis à pied, mais n'a pas été arrêté, ni inculpé.
Cela faisait sept ans qu'il avait été engagé dans la police de Kenosha. Il a notamment fait partie d'une unité qui patrouille à vélo. Son dossier indique qu'il a été suspendu pendant un jour en 2017 pour une infraction au code de la route.
La justice fédérale a annoncé mercredi l'ouverture d'une enquête en parallèle de celle menée par la justice locale.
Jesse Jackson réclame l'inculpation des policiers
Des contre-manifestations sont prévues à Washington, où sont également attendues vendredi des dizaines de milliers de personnes pour un rassemblement en faveur de l'égalité raciale.
L'un des organisateurs des défilés, le révérend Jesse Jackson, une figure de la lutte pour les droits civiques, s'est rendu jeudi à Kenosha pour réclamer l'inculpation des policiers en cause dans l'affaire Jacob Blake.
Lors d'une conférence de presse, il a également appelé les Américains à se rendre aux urnes pour "mettre un terme au désert moral au sommet" de l'Etat, accusant la président Trump d'avoir "peu d'aspiration pour la justice et la décence".
Quant aux manifestants, il leur a demandé de rester pacifiques. "Ne laissons pas les incendies devenir des clips de campagne", a-t-il plaidé.