Au bord de la Mer rouge, à l'extrême sud d'Israël, Eilat est bordée de plages de rêve avec des eaux cristallines et des hôtels de luxe. La station balnéaire fourmille aussi de petits hôtels bon marché. C'est dans l'un d'eux qu'a eu lieu le viol collectif qui a bouleversé le pays.
Ce mercredi au tribunal de Beer Shéva, onze jeunes hommes âgés de 16 à 27 ans ont été inculpés. Selon l'accusation, ils auraient attendu leur tour en fil indienne dans le couloir devant la chambre de la jeune fille.
"La jeune femme était allongée sur le lit de sa chambre d'hôtel pendant une heure sans pouvoir bouger. Et aucun des jeunes qui se trouvaient là-bas n'est venu la secourir", a expliqué au 19h30 Rotem Yehanani, procureure du tribunal de Beer Shéva.
"Personne ne leur explique que lorsqu'une femme dit 'non' c'est non"
Ce viol a bouleversé les Israéliens, car il met en lumière les pratiques d'une certaine jeunesse israëlienne qui s'oublie complètement lorsqu'elle vient à Eilat, où tout semble permis. La victime et ses agresseurs étaient fortement alcoolisés au moment des faits, et l'alcool coulait à flots dans l'hôtel.
"Ils tombent dans ce genre de situation à cause de l'abus d'alcool, à cause du manque d'éducation. A la maison, personne ne leur explique que lorsqu'une femme dit 'non', c'est non", constate Rinat, une habitante d'Eilat.
Tom, une autre habitante, renchérit: "Et puis il faut dire aussi qu'il n'y pas de punition. S'ils savaient qu'ils seraient fortement punis, alors ils auraient peur. Mais ils savent qu'il ne leur arrivera rien. Il y a eu des cas de gens célèbres ici et ailleurs dans le monde qui ont violé des femmes en toute impunité."
Série de protestations à travers le pays
Le viol collectif d'Eilat a provoqué une série de protestations à travers le pays, notamment à Tel-Aviv, où de manifestantes, souvent très jeunes, dénoncent toute une culture méprisant les filles.
"Dans mon lycée ils notent les filles. Ils disent : 'celle-là je lui mets 7 sur 10, elle mérite qu'on couche avec elle. Celle-là, seulement 2 sur 10. Elle ne vaut rien'", explique l'une d'entre elles.
"Ils ne parlent même pas de la relation sexuelle comme quelque chose de réciproque. Ils en parlent comme de quelque chose qu'on fait à la fille. Alors pourquoi s'étonner après ça que des hommes fassent la queue pour violer une gamine?" s'interroge une autre manifestante.
"Une certaine culture encourage le viol"
Ce viol intervient un an tout juste après une autre affaire, à Chypre cette fois. Des jeunes Israéliens avaient été accusés d'avoir violé une jeune Anglaise. Innocentés par la justice chypriote, ils avaient été accueillis en héros à leur retour.
"Une certaine culture encourage le viol. Cela passe par des publicités machistes ou le refus de critiquer certains actes. On laisse penser que l'on peut faire ce qu'on veut d'une femme, qu'elle ne vaut rien", explique Orit Soliciano, présidente d'une ONG de lutte contre le viol.
Des écoles, des médias ou encore des artistes ont engagé des actions pour sensibiliser la jeunesse israélienne contre les violences sexuelles. Le viol d'Eilat a agi comme le révélateur d'un douloureux problème d'éducation.
Stéphane Amar/asch