Le Royaume-Uni, l’Italie, les Pays-Bas, l’Allemagne, la France, la Belgique et l’Espagne ont cumulé plus de 90% des exportations de ces 41 pesticides interdits à destination de 85 pays, dont les trois-quarts sont des pays en développement ou émergents, détaille Public Eye jeudi.
Les Etats-Unis, le Brésil, l'Ukraine, le Maroc, le Mexique et l'Afrique du Sud figurent parmi les dix principaux importateurs de pesticides interdits notamment pour cause de risques de cancer, de troubles de la fertilité ou d'atteinte à l'eau et aux écosystèmes.
La firme bâloise Syngenta, qui produit en Suisse, mais également en France et au Royaume-Uni, est l'entreprise la plus impliquée, avec des volumes trois fois plus importants que son plus proche concurrent en 2018. En tout, une trentaine de sociétés, dont l'américaine Corteva, les allemandes Bayer et BASF ou l’italienne Finchimica, ont exporté ce type de produits.
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Trois produits principaux
Le paraquat, un herbicide utilisé dans les monocultures de maïs, de soja ou de coton et banni dans 50 pays en raison de sa létalité en cas d'ingestion et de ses liens supposés avec la maladie de Parkinson, représente à lui seul plus d’un tiers des volumes. En 2018, la moitié des 28'000 tonnes annoncées à l’exportation par Syngenta, principal fabricant, était destinée aux États-Unis.
Et en 2019, les exportations notifiées de paraquat depuis l’UE ont augmenté d’environ 30% pour atteindre 36'000 tonnes, notamment en raison d’une hausse des volumes destinés aux États-Unis et à l'Indonésie.
Les autres substances les plus courantes sont le dichloropropène ainsi que la cyanamide, classés cancérogènes probables.
Outre les risques pour les cultivateurs, Public Eye souligne que des résidus peuvent se retrouver dans les produits agricoles importés ensuite en Europe.
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Justification des fabricants
Public Eye a demandé des explications aux entreprises concernées et une quinzaine ont répondu, dont Syngenta. Selon l'ONG, les arguments principaux des fabricants sont que les produits sont sûrs s'ils sont utilisés dans les règles et que les lois en vigueur sont respectées.
"Si l'UE, avec toutes ses ressources, arrivent à la conclusion que ces pesticides posent des risques inacceptables et sont trop dangereux, comment pourraient-ils être utilisés de manière sûre dans des pays plus pauvres, alors que l'équipement de protection nécessaire n'est souvent même pas disponible", réagit toutefois Baskut Tuncak, rapporteur spécial de l’ONU sur les substances toxiques et les droits humains, cité dans le communiqué de Public Eye.
Milliers de documents analysés
Afin d'obtenir les données, Public Eye et Unearthed, la cellule investigation de Greenpeace UK, ont soumis des demandes d’accès à l’information auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et des autorités nationales.
Les ONG ont ainsi obtenu des milliers de "notifications d’exportation", soit les documents que les entreprises doivent remplir lors d'exportation de pesticides dangereux vers des pays hors de l’UE.
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Les exportations depuis la Suisse
Entre 2012 et 2019, la Suisse a exporté plus de 180 tonnes de pesticides dont l’utilisation est prohibée sur le sol helvétique, indique l’organisation non gouvernementale (ONG) Public Eye, spécialisée dans l’impact de la Suisse et de ses entreprises sur les pays pauvres.
Selon les "notifications d’exportation" reçues de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), six pesticides interdits ont été expédiés vers une quinzaine de pays en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud ou en Europe de l’Est.
Toutes ces exportations proviennent de Syngenta.