Siégeant en session extraordinaire à Genève, le Conseil des
droits de l'homme a "déploré profondément" dans une résolution
adoptée par consensus "la poursuite de la répression violente de
manifestations pacifiques au Myanmar (Birmanie) qui a donné lieu à
des brutalités, des meurtres, des détentions arbitraires et des
disparitions forcées".
Les 47 Etats membres du Conseil ont cependant renoncé à
"condamner" la répression, comme le prévoyait la première version
du texte présenté par l'Union européenne. Le Conseil a également
"exhorté le gouvernement du Myanmar à libérer sans délai les
personnes arrêtées et détenues (...) ainsi que tous les prisonniers
politiques, dont Aung San Suu Kyi". Le texte appelle également la
junte militaire birmane à déférer à la justice les auteurs de
violations des droits de l'homme.
L'ambassadeur de la Birmanie à Genève, U Nyunt Swe, a "rejeté
cette résolution politisée". "Le temps de la rhétorique est révolu:
le temps de l'action est arrivé", a commenté devant la presse
l'ambassadeur roumain Romulus Costae qui préside le Conseil, en
insistant sur sa détermination à assurer le suivi de la mise en
oeuvre de la résolution.
Bilan de la répression exigé
Les militaires birmans "doivent m'inviter à visiter le pays", a
martelé ensuite le rapporteur spécial de l'ONU pour les droits de
l'homme en Birmanie, Paulo Sergio Pinheiro, qui a réclamé des
"réponses précises" concernant le nombre de morts, de blessés, de
personnes arrêtées et les conditions de détention. "Ce ne sont pas
seulement les pays occidentaux" qui se sont mobilisés au Conseil
des droits de l'homme, a-t-il insisté en estimant que cela devrait
donner à réfléchir aux militaires birmans.
"Les autorités birmanes ne doivent plus croire que leur isolement
auto-imposé les empêche de rendre des comptes", avait averti en
ouverture de la session Louise Arbour, Haut commissaire des Nations
unies pour les droits de l'homme. Les moyens technologiques donnent
un accès sans précédent "à ce qui se passe dans les rues de
Rangoun", a-t-elle souligné.
Réplique birmane
L'ambassadeur birman a répliqué en jugeant que les médias
internationaux "gonflent les événements". Pour lui, "les
manifestations sont l'occasion, attendue depuis longtemps, par
certains pays occidentaux pour ouvrir la voie à une intervention
dans le pays".
Le représentant de la Russie a abondé dans ce sens: "la situation
humanitaire est loin d'être catastrophique" en Birmanie, a-t-il
estimé. La crise en Birmanie ne fait peser "aucune menace sur la
sécurité, la stabilité internationale ou la paix internationale et
ne doit pas servir de prétexte à une ingérence dans les affaires
intérieures" de ce pays, a affirmé le diplomate russe.
Rencontre entre l'ONU et la junte
Par ailleurs, l'émissaire de l'ONU Ibrahim Gambari a quitté
mardi la Birmanie où il a effectué une navette diplomatique entre
la junte et l'opposante et prix Nobel de la Paix, Aung San Suu Kyi.
Il s'est entretenu avec le numéro un birman, le généralissime Than
Shwe, puis a rencontré Aung San Suu Kyi, dans deux villes distantes
de 400 kilomètres.
Ibrahim Gambari ne s'est pas exprimé publiquement sur les
résultats de sa mission. Il devrait rendre compte de son voyage au
secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, jeudi à son retour à New
York. Ibrahim Gambari fera de même auprès du Conseil de sécurité,
"probablement vendredi".
afp/tac
Au moins 30 personnes tuées
Rangoun a été le théâtre il y a une semaine d'importants défilés contre le régime, emmenés par des moines bouddhistes, qui ont été violemment réprimés par les forces de sécurité.
Des soldats ont tiré à balles réelles. Selon des sources officielles birmanes, au moins treize personnes ont été tuées et des dizaines d'autres blessées.
Selon des diplomates occidentaux à Rangoun, le bilan des violences est bien plus élevé et les arrestations se comptent par centaines, voire par milliers.
"Nous pensons qu'au moins 30 personnes ont été tuées et 1400 arrêtées", a d'ailleurs estimé mardi le ministre australien des Affaires étrangères, Alexander Downer.
Au moins mille personnes interpellées la semaine dernière ont été emmenées sur un campus universitaire de Rangoun pour y être détenues, ont aussi indiqué mardi deux responsables birman et onusien.
Jusqu'à 1700 personnes, dont environ 500 moines bouddhistes, ont été détenues dans le campus du Government Technical Institute, a précisé sous couvert de l'anonymat le responsable birman.
L'ambassadeur a également invité Rangoon à faciliter l'accès des organisations humanitaires aux personnes dans le besoin.
A Bangkok, le directeur pour l'Asie du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies Tony Banbury s'est dit, quant à lui, préoccupé par des informations selon lesquelles les détenus auraient déjà été conduits à un autre endroit qui reste inconnu.
La junte fouille des appartements
Selon des témoins, la présence militaire dans les rues de Rangoun s'est allégée, mais des groupes à la solde de la junte fouillent des appartements à la recherche d'opposants, faisant craindre que les démarches diplomatiques de Ibrahim Gambari n'aient pas été d'une grande utilité.
La junte militaire a par ailleurs annoncé mardi réduire de deux heures par nuit le couvre-feu en vigueur à Rangoun, le faisant passer de 21h00 à 05h00 à 22h00 à 04h00