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Pakistan: Musharraf déclare l'état d'urgence

La Cour suprême a été encerclée à Islamabad
La Cour suprême a été encerclée à Islamabad
Pervez Musharraf a décrété samedi l'état d'urgence au Pakistan. Il a évoqué l'insurrection islamiste, mais aussi des "interférences" judiciaires, alors que la Cour suprême devait statuer sur la validité de sa réélection.

Dans un discours à la nation, le général Musharraf, qui avait
pris le pouvoir par un coup d'Etat sans violence en 1999, a estimé
que l'état d'urgence était nécessaire au maintien de l'unité
nationale face à de «graves conflits internes».

Il a affirmé que le terrorisme était à son apogée dans le pays
et que son gouvernement était paralysé par la Cour suprême. Pervez
Musharraf a limogé samedi le président de cette juridiction, le
juge Iftikhar Muhammad Chaudhry, qui était devenu sa bête
noire.

Double mandat contesté

En décidant de révoquer le premier magistrat du pays en mars,
Musharraf avait déclenché une crise politique qui a «plombé» sa
cote de popularité. Le juge Chaudhry avait été rétabli dans ses
fonctions en juillet.



La Cour suprême devait se prononcer ces jours sur la légalité de
la candidature de Pervez Musharraf lors du scrutin du 6 octobre. Ce
nouveau mandat est contesté en raison de la double casquette de
Musharraf, à la fois président et chef des armées.



Le président Musharraf a également suspendu la Constitution, mais
le Parlement et les assemblées provinciales continueront de
fonctionner, ont indiqué les autorités. Plusieurs opposants ont été
arrêtés ou assignés à résidence. Parmi eux figurent Imran Khan,
l'un des plus farouches opposants au président.

Les médias muselés

Des restrictions ont également été imposées aux médias. Toute
publication diffamant le chef de l'Etat, son gouvernement ou les
forces armées est désormais proscrite, a annoncé la presse
officielle.



L'instauration de l'état d'urgence compromet les élections
législatives prévues en janvier 2008. Ce scrutin était considéré
comme une étape importante pour le retour de la démocratie au
Pakistan.



agences/ant

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Un pays sous haute tension

L'état d'urgence intervient alors que le Pakistan, allié des Etats-Unis dans «leur guerre contre le terrorisme », se bat contre des combattants islamistes proches des talibans et d'Al-Qaïda dans les zones tribales frontalières avec l'Afghanistan.

Surtout depuis juillet, le Pakistan est confronté à une vague sans précédent de violences. Le pays a été ensanglanté par une vingtaine d'attentats suicide, ayant tué 420 personnes, perpétrés par des islamistes ou attribués à cette mouvance radicale.

Le pire attentat suicide de l'histoire du Pakistan a frappé Karachi (sud) le 18 octobre, tuant 139 personnes, le jour du retour d'exil de l'ex-Premier ministre Benazir Bhutto, engagée dans des pourparlers avec le général Musharraf pour un partage du pouvoir. Benazir Bhutto est rentrée samedi dans son fief de Karachi en provenance de Dubai, après l'annonce de l'état d'urgence.

Cette mesure pourrait compromettre les pourparlers entre l'ex-premier ministre et Pervez Musharraf. Ce processus, soutenu par Washington et Londres, devait voir le général Musharraf devenir un président civil après avoir renoncé à son mandat de chef des armées et Benazir Bhutto diriger le gouvernement.

Washington "très déçu"

L'annonce de l'état d'urgence a suscité des préoccupations à Washington, Londres ou New Delhi qui ont appelé le président Musharraf à revenir sur la voie de la démocratie.

«Cette action est très décevante», a déploré la présidence des Etats-Unis. «Le président Musharraf doit respecter sa promesse de tenir des élections libres et justes en janvier et quitter ses fonctions de chef des armées, avant de prêter à nouveau le serment présidentiel», a ajouté le communiqué.

A Londres, un représentant de l'ancien Premier ministre Nawaz Sharif a dénoncé une «tentative désespérée d'un dictateur déchu qui a révélé son vrai visage aux yeux du monde».